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3 juin 2008 2 03 /06 /juin /2008 10:47
Lijiang, dans l'attente du depart pour Hong Kong.

Je profite de passer ces 2 jours avec Luqiong entre bavardage et balades dans les environs, mais je n'ai plus de force. Je voudrais m'asseoir, me coucher toutes les deux secondes. J'opte alors pour un massage tant attendu de deux heures par deux jeunes filles aveugles. Tout y passera, des pieds (le top du top) à la tête ! Je pense m'endormir mais je vais parfois sauter de douleur quand elles appuient sur ces fameux points stratégiques, pour faire revenir le sang... Les mains, les quadriceps, le dos ! Je crois me découvrir maintes pathologies mais elles me rassurent, à part un problème sans doute à l'estomac (que j'ignore !), je suis en pleine forme. Tout va bien alors !

Bus de nuit en partance pour Kunming

Mardi soir, c'est le départ pour Kunming en bus couchette. Je ne suis pas très rassurée, en pensant à la conduite de ces chauffeurs mais je trouve le sommeil allongée sur ma banquette au milieu de chinois en tout genre. Arrivée à l'aéroport de Kunming, j'erre 8h comme une âme en peine, en attendant mon vol pour Hong Kong...

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 10:36
Quelque part dans le canyon du Yangtze - Lijiang, 47,77 km.

Je quitte mes hôtes après un petit déjeuner de riz partagé avec eux et découvre avec plaisir que je n'ai plus que 5 kilomètres de... pavés. Au bord du Yangtze, soleil et chaleur sont de retour. Nous sommes à 1250m, on se croirait dans un climat tropical. Des bananiers, des pêchers, des manguiers... des fruits partout ! Cela composera mon repas de la journée lors de l'ascension qui m'attend. Je fais une longueeee pause au bord de la rivière, joue au chameau en buvant 2 litres d'eau et regarde le mur que je dois franchir... Impossible de distinguer la route parmi cette végétation.

30 lacets que je parcours dans une forme olympique.

Pourtant une trentaine de lacets m'attendent ! Je grimpe sans voir le temps passer tellement je me sens bien ! J'ai la montagne à 360°. Je ne m'explique ma forme olympique que par le repos partiel de mes jambes hier dans la fameuse descente, mais surtout je crois que cette montagne me grise, me nourrit, me booste littéralement. Quand je vois le sommet arriver, je suis presque surprise et en redemanderai. 6h se sont écoulées pourtant...

Dans les environs de Lijiang

Je calme le rythme dans l'arrière-pays Naxi, avant l'arrivée sur Lijiang où je photographie sculpteurs sur pierre et paysans fanant dans les champs. Enfin, je retrouve ma maison juste avant l'orage qui s'annonce et la fatigue m'assaille d'un seul coup.

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31 mai 2008 6 31 /05 /mai /2008 10:07
Ninglang - quelque part dans la montagne. 87,01km.

Aujourd'hui je dois franchir 2 cols, dont l'un est à 2800 mètres et l'autre à 3100. Je progresse au milieu des nuages, entre rizières et villages Yi. Vers 10h je m'arrête une bonne heure au bord de la route : des femmes en habits colorés sont assises. Se reposent-elle ? Attendent-elles quelque-chose ? Je ne le saurai pas. C'est questions et rires sans interruption. Je les interroge au sujet des blasons peints sur les murs des maisons blanches. Un homme à leur côté me donnera sans doute la réponse sans que je la comprenne, mais il me répète «Yi dzu», ce qui veut dire le «peuple Yi».

Rencontres Yi au bord de la route - La pipe n'est plus l'appanage des hommes

Je provoque à nouveau des rires quand je dis que je reviens du Lac Lugu mais cette fois ce sont les quatre hommes présents qui ricanent...

À 3100 mètres, la visibilité est très moyenne, quelle déception quand j'ai seulement aperçu ces paysages à travers une vitre de bus ! Je vois dans le fond la vallée du Yangtze où je dois maintenant descendre. Malheureusement je retrouve une piste pavée et je passe plus de temps à éviter les arrêtes pointues des pierres qu'à regarder autour de moi. Chaque fois que j'essaie de relever la tête, je manque de me fracasser une nouvelle fois. C'est bon, j'ai compris : si je veux regarder, je dois m'arrêter ! Je mettrais donc plus de sept heures pour passer de 3100 mètres à 1487, mon compteur indiquant 43,82 au col et 87,01km à l'arrivée ! À mi-parcours, j'ai droit à 4 kilomètres goudronnés, je crois mon bonheur retrouvé mais c'est une fausse surprise, les pavés reprennent de plus belle...

Après 7 heures de descente cahoteuse, j'aperçois enfin le Yangtze

Le jour décline et comme prévu pas d'auberge en vue, seulement des groupuscules de villages sur l'autre versant de la montagne. Plusieurs fois, je me fais inviter à passer la nuit de l'autre côté... Mais quand vient la question de Multi, on me propose de le laisser là car impossible de descendre dans ces sentiers sinueux. Vous connaissez alors la réponse... Sans Multi, jamais ! J'ai beau être au milieu de nulle-part, la rare circulation des bus s'arrêtant bientôt pour la nuit, je ne peux pas laisser ma chère monture même cadenassée au bord la route. Alors je continue les jambes à l'arrêt mais les bras en compote.

J'apprends que tout en bas, au niveau du pont sur la rivière Yangtze, se trouve un hôtel... mais en bas, c'est encore dans 20km et la nuit tombe. Tout d'un coup, comme une réponse, je tombe sur un relai routier : une petite maison, une salle de restaurant, une cuisine, une pièce pour dormir. En 2 minutes top chrono, le miracle se produit : un jeune homme m'accueille et me propose de manger, je lui fais alors le signe universel de «dormir», lui me répond «avez-vous une tente ?» toujours en langage des signes, grimace négative en guise de réponse mais déjà je lui désigne le sol du restaurant avec un grand sourire. Marché conclu : le voilà qui gare mon vélo, décharge mes sacs pendant que sa femme m'invite à passer à table.

Mon refuge pour la nuit

Deux minutes montre en main, promis juré craché (c'est beau tiens !...), j'ai un toit et les pieds sous la table ! Mon corps est tellement moulu que je ne sens même pas la dalle froide et m'écroule dans un profond sommeil avec le grondement du Yangtze pour berceuse.

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30 mai 2008 5 30 /05 /mai /2008 18:36
Lige-Ninglang, 88,02km, 1200m de dénivelé positif, 1400 de négatif. À mon grand désespoir, mais peut-être pour le bien de mes yeux, le mauvais temps est de retour. Pour la première fois, j'ai froid à 3200 mètres et garde polaire et blouson même en montée. Hélas, c'est une journée sans, je n'ai pas de jambes mais les paysages me ravissent même sous les nuages. Je SENS enfin cette nature que j'aime tant. La route alterne entre pavés, pierres, pavés, pierres...

3000 mètres, le col n'est plus qu'à 200 mètres, j'ai froid et je n'ai pas de jambes

Je suis secouée dans tous les sens et au kilomètre 35, nouvelle chute. Il pleut, je suis surprise par mes freins que j'ai resserrés la veille et tentant d'éviter les pierres, je n'ai pas vu les graviers... Je surfe sur le goudron sur 3 mètres qui m'en paraissent 20. Personne. Mon coeur bat à 300 à l'heure. J'ai encore tapé sur mon genou droit mais je me relève indemne ! Ouuf ! Multi est sain et sauf. Pour lui, ça semble une habitude. Je l'entends presque me dire "mais ça va pas non de freiner comme ça !! Hier on a frisé le ravin (il est un peu marseillais sur les bords...), maintenant tu as la tête où ???!! " Je remonte tremblante, la tête sur les épaules à nouveau, mais préoccupée par ma fatigue qui semble ne pas vouloir me quitter. Et cette fois-ci, ce n'est pas faute de me reposer !!

Mes gavroches Yi

Un peu plus loin, je me fais littéralement barrer le chemin par des gavroches chinois qui jouent avec une planche à roulettes fabrication maison. Ils me sautent dessus, veulent essayer Multi, m'emmènent près d'un feu me réchauffer les mains, veulent que je les suive je ne sais pas où dans la montagne. Aaaaaadieu jolis minois Yi !

Nouvelle technique de portage, mais toujours les femmes à la tâche...

Je traverse effectivement des villages Yi où les constructions des maisons en bois se réalisent encore d'une manière différente. Enfin la ville de Ninglang apparaît où le patron d'un petit resto me masse le dos et les bras vigoureusement pendant je mange un repas d'ogre préparé par sa femme et ses filles.

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29 mai 2008 4 29 /05 /mai /2008 18:13
Jeudi, je décide de prolonger mon séjour à Lige, non pas pour aller vers le Sichuan visiter des villages Yi comme je le pensais, mais pour raisonnablement (oui, oui, j'intègre le mot progressivement à coups de traumatisme de la cornée et chute de vélo) me reposer une journée de plus avant d'attaquer ma remontée sur Lijiang, qui s'annonce fabuleuse mais duuuure.

Au programme donc : bulle intégrale, mini ballade et plongeon dans le lac sous le regard amusé de 2 pécheurs au filet. Dernière douche sans fin et incroyable conversation avec Zhou Tong, un chinois qui a fait Chengdu-Ethiopie en vélo.

Je m'endors en rêvant à la description de chaque col sur la route que je ferais bientôt.

La presqu'île de Lige

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28 mai 2008 3 28 /05 /mai /2008 17:30
Levée aux aurores pour profiter pleinement des plus belles lumières, nous mettons les voiles vers 7h30, Cristina, ses lunettes Chanel et son mètre 85 sur un vélo pour nain, et moi quittant ma sacro-sainte solitude avec plaisir. En chemin, elle me raconte son travail, les différentes réunions de comités olympiques auxquelles elle assiste depuis des mois et la difficulté de travailler avec les autorités chinoises qui exercent un contrôle paranoïaque sur tout en respectant les règles de l'olympisme quand cela les arrange seulement.

Femmes Mosuo au bord du Lugu Hu

Arrivées à Dazui, un groupe de femmes Mosuo est assis au bord du lac. J'ai expliqué à Cristina que je m'arrêtais à chaque personne croisée, essayais de communiquer avec elle avec plus ou moins de réussite à chaque fois. Je descends donc de Multi et m'approche d'elles. Une très jeune femme donne à téter à son bébé pendant que son premier enfant, un garçon de 3, 4 ans joue immédiatement avec nous. Je reste 45 minutes accroupie à dialoguer comme je peux avec ces femmes, pendant que Cristina à l'écart réfléchis déjà à comment gagner l'île aux oiseaux à la nage.

Les hommes, même jeunes, semblent toujours en retrait

J'avise un jeune homme et lui demande s'il peut emmener Cristina en barque, elle reviendra à la nage. La suite est géniale : il alerte d'autres femmes qui comprennent aussitôt la demande et embarquent Cristina pendant que je reste à terre. Visiblement ce n'est pas du tout son boulot à lui et je découvre peu a peu comment ces femmes mènent la barque au propre comme au figuré ! Arrive alors une femme à la voix grave. Elle chante des sutras au milieu d'éclats de rire et porte un drapeau bouddhiste. Nos regards se croisent, son charisme est perceptible à des kilomètres et finalement je saute dans la barque avec Cristina, notre capitaine féminine et cette femme, que je nommerai la chef du village.

Drapeau boudhiste qui devra être planté dans le Lubao au sommet de l'île aux oiseaux

Au sommet de l'île, nous assistons à la cérémonie des lubao : ces piles de pierres amoncelées en forme de pyramide et plantées de drapeaux bouddhistes à chaque entrée de village ou chaque sommet sont légion autour du lac Mosuo. La coutume veut qu'à chaque passage près d'un lubao ou malidui, les Mossuo en fassent 3 fois le tour en ajoutant une pierre et en lançant des grains de maïs. Nous sacrifions à la coutume sous l'oeil autoritaire de la chef.

Démonstration olympique

Retour en barque pour moi pendant que Cristina file en tête dans une démonstration de nages. Éclats de rire des femmes Mosuo qui sont littéralement baba. Puis nous suivons la chef, toujours, qui nous emmène déjeuner chez elle. Sur le chemin, des femmes, presque que des femmes... un seul mot de la patronne suffit à rameuter le village, me semble t-il. Alors que notre hôte nous prépare un repas, son masque de chef (excusez la redondance, mais vraiment..) tombe. Nous croisons un fantôme d'homme, qui s'éclipse aussitôt et je replonge dans mes pensées sur le royaume Mossuo...

De même que les Naxi et la plupart des ethnies tibeto-birmanes, les Mosuo descendent des anciennes tribus Qiang. Regroupés au sud du Sichuan et au nord du Yunan près de Ninglang, ils sont près de 30 000 et composent une des dernières sociétés matriarcales de la planète. La plupart vivent sur les rives du Lac Lugu, au pied de la Montagne Lion qu'ils appellent Ganmu, montagne déesse.

La chef de famille est choisie parmi les meilleures soeurs compétentes. C'est elle qui s'occupe de la propriété et des revenus de la famille. L'oncle maternel s'occupe des cérémonies religieuses, des funérailles et des enfants de... ses soeurs.



Le chapelet et le moulin à prières de la religion Mosuo



Les enfants vivent tous chez leur mère qui est la chef de famille.

La femme est la principale force de travail et tous les travaux pénibles lui sont dévolus. Le chef du village est bien sûr une femme, elle seule peut avoir droit de succession.

Les hommes, quant à eux, se consacrent au commerce, à l'artisanat et aux rituels religieux. Une pièce commune leur est réservée dans la maison.

De toutes les traditions Mosuo, celle du "mariage ambulant" a fait le tour du monde. Les femmes ne se marient jamais ni ne cohabitent avec un homme, mais peuvent choisir autant d'amants qu'elles le souhaitent au cours de leur vie. Dès la puberté, les jeunes filles ont une chambre réservée dans la maison ou elles accueillent la nuit leur "azhu", celui-ci devant quitter les lieux à l'aurore pour rejoindre la maison de sa mère !

Si un enfant naît, le père peut s'installer dans la maison et apporte alors son aide financière. S'il y a rupture, aide et devoir familial s'interrompent également.

Autrefois l'identité du père était ignorée, de même qu'il n'existait pas de mot dans la langue Mosuo pour dire "père".

Un exemple de Lubao ou de Malidui à l'entrée d'un village Mosuo

Les Mosuo affirment que les notions de possession et de jalousie n'existent pas dans un mariage ambulant et que les séparations se font amicalement.

Mais les conséquences néfastes sur cette culture arrivent à grand pas : cette notion d'amour libre a accru de façon considérable la popularité de cette région reculée aux confins du Yunan et du Sichuan. Mariage ambulant étant synonyme d'aventure d'un soir pour nombre de touristes Han, des maisons de passe naissent aux portes de Luoshui.

Vous dire exactement si ces traditions perdurent telles quelles est impossible, j'ai passé 4 jours au bord du lac Lugu dont 2 à comater! Une chose est sûre, les femmes tiennent le haut du pavé. Première fois (d'autres viendront..) que je vois des femmes fumer et boire, activités(?!) hautement réservées aux hommes ailleurs...

Le seul lieu en Chine où l'on est plus heureux d'accueillir la naissance
d'une petite fille que d'un garçon !

Mais retour à notre chef de village, qui mange une soupe de farine et de maïs (je lirais plus tard que cette bouillie est réservée... à la chef du village ! Intuition, intuition, je vais devenir chef a mon tour...) pendant que nous tentons de faire passer du gras de porc frit et des pommes de terres sautées au gras de... porc ! Ensuite nous visitons la maison en bois (quatre murs autour d'une cour : au centre la pièce principale sert de salle à manger. C'est là où se trouve l'autel du dieu Feu. Ensuite viennent une étable et un bâtiment où sont entreposées la paille qui sèche et les céréales. Enfin un quatrième bâtiment dont le premier étage est réservé aux outils et le deuxième aux jeunes filles... C'est dans la pièce principale que dort la chef de famille. Autour se trouvent les chambres des autres femmes de la famille, puis les copines et tutti quanti.

Durant ces 4 heures passées à Dazui (qui porte bien son nom : grande bouche...), nous ne cesserons de nous demander avec Cristina si cette femme se joue des touristes que nous sommes... de toute évidence, elle prend plaisir à nous faire partager sa culture mais la lueur que je perçois parfois dans son regard, me fait dire qu'il y a autre chose... mais quoi ?



Partie de cache-cache avec Cristina




Le reste de l'après-midi est un vrai bonheur : nous empruntons des sentiers au milieu des pins, tombons sur 2 familles isolées au bord du lac. Cristina fait hurler les enfants de peur et de plaisir par sa taille et ses cris d'hurluberlu. Pendant que nous nous bidonnons de rire avec la maîtresse de maison. Une ex-championne olympique américaine, latino de surcroît, c'est quelque chose !

Après une soixantaine de kilomètres, nous rentrons à la tombée de la nuit, le c... en compote pour ma nouvelle amie et une chute dans le fossé pour moi.




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27 mai 2008 2 27 /05 /mai /2008 14:23
Mardi je m'oblige encore à rester tranquille loin du soleil malgré l'envie de partir à la rencontre du peuple Mosuo. Je me traîne de ma chambre au salon de l'auberge, j'assiste d'un oeil distrait au montage de la charpente d'une maison à 10 mètres de mes fenêtres. Mes appareils sont rangés au fond de mon sac. En fin d'après-midi je m'étends sur la plage à l'ombre, lac et vent pour seuls compagnons. Le temps s'arrête... ne penser a rien.



Vue de l'auberge



De retour à l'auberge de jeunesse, une agréable et belle rencontre m'attend: Cristina Teusher, ancienne championne olympique de nation pour l'équipe US reconvertie en femme d'affaires surmenée, elle a 2 jours pour se détendre au bord du lac Lugu avant de rejoindre Pékin et sa société anglaise, fournisseur officiel de cours d'anglais aux futurs juges olympiques.

Argentine de coeur et de sang, nous parlons Patagonie et alternons espagnol et anglais. J'en perds mon chinois !! Autour d'un barbecue de poisson et de légumes couleur local, je lui propose de m'accompagner en vélo le lendemain dans les villages voisins.

Lige ressemble à un village pour amoureux qui ont envie de buller, l'endroit idéal pour se reposer, c'est calme, paisible mais au bout d'une heure on en a fait le tour... Mes yeux allant vers le mieux, je trépigne devant l'idée de percevoir un semblant de ce royaume des femmes. Pour cela, toujours s'écarter des sentiers battus. Sera-ce possible en si, si, siiii peu de temps ?

La plage de Lige à 30 mètres de l'auberge, interdite à la baignade

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26 mai 2008 1 26 /05 /mai /2008 13:53
Lijiang - Lugu Hu Lige. 13,54km sur Multi. 7h du matin, je quitte Lijiang en bus sous un soleil radieux, direction le Royaume des femmes ! Multi croule dans les soutes, sous 30 valises. Le chauffeur restera sourd à mes supplications... 7h de route dans un paysage fabuleux, mais le voyage est un vrai supplice pour 3 raisons :

- Je suis enfermée et ne sens RIEEEN dans un bus sinon la puanteur qui lentement se dégage des 40 personnes qui font route avec moi et ne se sont pas lavées depuis la nuit des temps !

- Après l'odeur, viennent les bruits odoriférants... Rots, crachats, pets en tout genre. Sans oublier les cartilages (!) de crevettes que je reçois dans l'oreille. Mes yeux, en feu, se font lance flamme sans peine. Je résiste non sans mal à l'envie de cracher à mon tour sur mon voisin !

- Enfin, j'ai une migraine à tout casser. Chaque pavé, chaque trou, chaque pierre résonne dans ma tête à tel point que je pourrais les compter.

J'arrive malgré tout à noter les bornes kilométriques aperçues et les dénivelés pour mon itinéraire retour. Je remarque aussi que seuls des hameaux de 10 à 15 maisons sont accrochés sur les pentes pendant plus de 120 kilomètres... Et j'ai laissé ma tente à Lijiang !

Proche de commettre un crime, je descends à Luoshui et retrouve mon cher Multi, sans une égratignure ! 10 kilomètres nous séparent de Lige, petit village Mosuo où je DOIS me reposer. Combien de temps je mettrais pour y arriver je ne sais pas... Avec le recul, je me dis que j'étais proche de l'évanouissement et que Multi a fait la route seul. Je n'étais plus qu'un pantin désarticulé. À la première auberge, je demande un grand lit, une salle de bain personnelle (luxe de chez luxe dans mon voyage) et m'enferme dans le noir le reste de la journée, soirée, peut-être la matinée suivante... j'oublie.

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25 mai 2008 7 25 /05 /mai /2008 11:37
Tianmajie-Lijiang, 88,42km. Je démarre ma journée avec une soupe de pâtes copieuse et largement pimentée, en pensant que ce soir on m'attend à Lijiang. Quel bonheur d'être attendue quelque part !...

Au loin, les contreforts himalayens...

Je m'abrite du soleil comme si j'en avais horreur, mais c'est toujours en pensant à mes yeux. Au sortir de Tianmajie, une vaste vallée, le ciel est parsemé de gros nuages, et les montagnes m'encerclent. J'approche des contreforts himalayens, je le sens. Au milieu des nuages, mon regard s'arrête net... Enfin, Elle est là, cette montagne tant espérée... Un sommet de glace et de neige émerge au milieu du ciel, loin, à l'horizon. Son nom m'est encore inconnu. Tout ce que je sais, c'est que c'est ma direction. Alors je pédale avec ce point fixe... en tête seulement, parce que la cime est bien vite reprise par les nuages. J'alterne entre vallées entourées de montagnes et mur de montagnes qu'il faut franchir ! Le jaune du blé contraste avec le bleu du ciel et le vert des montagnes, la luminosité s'accroît à mesure que l'on gagne en altitude. J'aime cette lumière par dessus tout mais elle est en train de devenir l'ennemie de mes yeux larmoyants.

Vers midi, au sommet d'une côte, je tombe sur un énième marché, c'est l'embouteillage monstre dans la rue. Je laisse en toute confiance Multi sur le côté de la route près des étals de fruits et me fonds dans l'ambiance colorée et animée de ce marché de montagne.

J'ai quitté les Bai pour pénétrer dans le territoire des Naxi, qui peuplent tous les environs de Lijiang. Je me glisse près d'un groupe de femmes qui discutent gaiement, les observe. On me tend des fruits, l'une d'elle s'adresse à moi dans une langue chantante où les "r" rrrrroulés ressemblent à des notes de musique. Je me gave de fruits et de beignets de pommes de terre pimentées ( encore !).



Sourire Naxi



Je repars le coeur joyeux (un marché, de l'agitation, et ça repart !) vers ces montagnes à vous faire perdre la tête... ma tête qui bat dans mes tempes comme un métronome affolé ! Je passe une nouvelle fois devant un panneau délavé "Lhasa". Un jour peut-être...aujourd'hui je bifurque en suivant la course des nuages et puis je monte, je monte, je monte, je n'en finis pas de monter et j'atteins un plateau à plus de 3000 mètres d'altitude d'où j'aperçois la vallée de Lijiang. Les 16 kilomètres de descente qui suivent viennent à bout, une nouvelle fois, de mes forces. J'essaie d'analyser ce qui se passe dans mon corps mais j'avoue que je ne suis pas... je m'explique : lorsque j'entame une côte, je trouve un rythme et le maintient. Je m'arrête pour boire tous les 5 kilomètres. J'aime entendre mon coeur qui bat la chamade. Est-ce le rythme lent et régulier mais mon cerveau lui fonctionne à 300km/h. Tout me passe par la tête. Je suis là et ailleurs. Je parle, j'écris, je crois avoir l'idée du siècle bien sûr, pendant ce temps mon coeur s'emballe, mes muscles chauffent, mais je ne sens pas la fatigue. La récompense est au sommet. Toute sles mécaniques fonctionnent a merveille. Avec Multi nous sommes à l'unisson (si c'est pas beau !)...

Coiffes et paniers Naxi dans un marché de montagne

La descente est une autre paire de manches ! C'est comme si les circuits se déconnectaient un à un dans mon cerveau, et je ne focalise alors plus que sur une seule chose : la pente. Me laisser filer, emporter par la vitesse, freiner et éviter les trous. Mes mains se crispent, je pense en blanc. À l'arrivée, je suis vidée. C'est comme si la vitesse avait aspiré mon énergie. Et là, quand je vois un faux-plat, c'est l'Everest qui est devant moi ! J'ai mal des orteils aux sourcils, je ne peux plus poser mes mains sur le guidon (autre petit souci avec les tendons, le canal carpien, et le nerf... cubital !) ou seulement en "danseuse" (les bouts des doigts sur le guidon...). C'est juste un faux-plat, tu ne vas pas t'arrêter là ! On t'attend à 9km... alors je dévalise un magasin qui n'a rien sinon des crevettes sous-vide, des glaces sans goût et du pain rassis. Je bois littéralement ma confiture d'orange au goulot (elle est dans une bouteille...) et repars avec cette lueur au bout du guidon : on m'attend ! Lijiang me surprend par l'ampleur de sa nouvelle ville aux bâtiments modernes. Aux abords de la vieille ville, je pose pied à terre; en fait je ne peux plus mettre un pied devant l'autre. Mes yeux brûlent et me pleurent (écrit tel quel dans mon carnet... le lapsus révélateur m'a plu), j'aimerais mettre ma tête dans un congélateur, mes mains dans un bain Yao alors que mon estomac fait des noeuds de faim.

Mon hôte, Luquiong Luo

Bientôt Luquiong Luo est là (nous nous sommes rencontrés par l'intermédiaire de Couchsurfing, un site web d'hospitalité entre voyageurs, ou pas d'ailleurs), souriante et accueillante. Le dîner avalé à la hâte, mon hôte me conduit à la pièce qu'elle loue dans une grande maison de la vieille ville à une famille locale Naxi. Le bonheur (je sais je me répète...) ! Douche, pièce partagée, anglais, je comprends quelque chose... Tout cela loin de l'agitation du centre touristique. Je m'écroule dans un sommeil profond et me réveille à 6h avec la tête comme une pastèque, les yeux injectés de sang. Je n'ose troubler le sommeil de Luqiong et monte sur le toit où un panorama superbe m'attend.

Au bout de cette ruelle de Lijiang, ma maison !

Dans la matinée, je prends vite conscience que nous n'avons pas du tout les mêmes rythmes avec Luquiong. Je ne tiens pas en place quand elle n'est que zen, méditation et yoga. 1h de ballade, 4h de repos ! Qu'à cela ne tienne, nous sommes aussi indépendantes l'une que l'autre, je m'éclipse alors et la laisse à son yoga tranquille. J'erre au hasard du dédale de ruelles pavées, de vieilles maisons aux toits refaits jusqu'aux boutiques qui se succèdent. En été, les habitants mettent parfois 1h pour faire 500 mètres. Effectivement la popularité de Lijiang a cru plus vite que sa capacité à accueillir des groupes. Cette année pourtant, la ville est "vide" (sans doute l'effet J.O., Tibet, tremblement de terre du Sichuan), Luquiong est guide touristique, au chômage depuis 1 mois.

Je ne suis pas seule !

Sillonnée de canaux, de ponts en pierre et de ruelles, Lijiang était un important carrefour de la route de la Soie du Sud, une place marchande où les échanges étaient à la fois commerciaux et socio-culturels entre les Tibétains et les Bai de Dali. Aujourd'hui le charme n'opère plus. La place du marché, jadis fief des marchands Naxi, est envahie de vulgaires boutiques. Assise sur un banc, cachée derrière mes lunettes pour aveugle, je voudrais remonter le temps mais je me heurte sans cesse à ces images toute faites pour touristes : quand je rouvre les yeux, un homme qui porte des lunettes des années 60 et une peau de yack sur les épaules, me propose de faire un tour dans sa carriole tirée par un.... bélier frisé, avec les bigoudis de madame sans aucun doute. Je pleure où je me fais promener en bélier ?! Un groupe d'enfants âgés de 6 à 10 ans viennent me réciter leur cours privé d'anglais. J'écoute d'une oreille la professeur m'expliquer qu'ainsi les jeunes ne seront plus timides face aux étrangers mais mon esprit vaque ailleurs... Mon regard se pose sur ces vieilles femmes Naxi, dernières dépositaires de cette culture plus que millénaire.

La cape Naxi, appelée Peau de mouton aux yeux de grenouille

Descendants des tribus de Qiang d'origine tibétaine, les Naxis vivaient il y a encore peu en famille matrilinéaires. Les chefs étaient des hommes, mais les femmes tenaient une place prépondérante. Les Naxis sont d'anciens pasteurs sédentarisés. Ils élèvent encore boeufs, chevaux, moutons, cochons et cultivent le blé, le maïs, la pomme-de-terre, le riz, le piment. L'argent, l'or, le cuivre joueront un rôle essentiel dans le développement du commerce et des liens socio-culturels avec les autres ethnies du sud. Leur langue écrite fait partie de la famille tibeto-birmane : elle utilise un système de pictogrammes extraordinaire qui est le seul langage hiéroglyphique encore en usage.

Les Dongba sont les chamans Naxi, dépositaires des écrits et des coutumes, intermédiaires entre les hommes et les esprits. Ils transmettent l'histoire, la littérature et la religion. La religion Dongba est un mélange de bouddhisme et taoïsme.

Les femmes portent un pantalon noir ou bleu foncé couvert d'un tablier bleu ou noir également. Les coiffes sont différentes selon les endroits. À Lijiang il s'agit le plus souvent d'une casquette bleu. Presque toutes portent cette cape en forme de T qui caractérise les Naxi. Attachée par 2 bandes croisées sur la poitrine, elle évoque le jour et la nuit. 7 cercles symbolisent des constellations ou les yeux de grenouille d'un dieu Naxi. Cette cape parfois surmontée d'une peau de mouton, sert à éviter l'usure du panier que les femmes portent en permanence, d'où son nom "peau de mouton aux yeux de grenouille". Elle symbolise le pouvoir des femmes qui portent le ciel sur leur dos.



Les canaux de Lijiang



Je traîne mes savates (c'est le cas de le dire car j'ai l'impression de n'être plus que deux yeux à la place d'un corps) vers la librairie sino-anglaise où je découvre les ouvrages de 2 personnages qui ont marqué Lijiang : Joseph Rock, botaniste excentrique, autodidacte farfelu (il a apprit SEUL 8 langues, dont le chinois à 13 ans), il consacra sa vie à étudier la culture Naxi (1922-1949). Correspondant pour National Geographic, on raconte que lorsqu'il se déplaçait, ses caravanes mesuraient plus de 500 mètres! Quant à Peter Goulart, français né en Russie, il vécut également à Lijiang entre 1940 et 1949. Je lorgne sur son livre "Forgotten Kingdom", le royaume oublié, mais la voix de la raison me rappelle à l'ordre : 4 livres m'attendent dans mes sacoches, sans que je trouve le moment de les ouvrir...

L'après-midi, je renouvelle l'épreuve de force de la gare routière et cette fois-ci la présence de Luquiong est efficace. Il nous (Multi et moi) faudra quand même 1h30 pour prendre un billet pour le lac Lugu alors que la gare est vide... Mon esprit s'évade pendant que Luquiong se laisse expliquer le mauvais état des routes, les risques par temps de pluie, le nombre de morts des mois derniers et j'en passe ! Un instant je me laisse fléchir puis me reprend : c'est quoi cette parano ?!! Je suis venue en Chine pour voyager à vélo, je ne vais me laisser impressionner par la première chef de gare. Surtout quand il s'agit d'accident de bus et non de vélo, ce qui ne m'étonne pas vue leur conduite... Donc me voilà billets en main !! Multi est du voyage car je souhaite faire les quelques 250 kilomètres retour avec lui (raison inavouée : j'ai du mal à me séparer de lui et je ne vais pas lui faire des infidélités en louant un vélo sur place !!).



L'arracheuse de dents



La fin d'après-midi est une longue balade avec mon hôte qui me répète que je dois prendre soin de moi, "Tu as l'air très fatiguée. Pourquoi tu ne t'arrêtes pas ?". Bonne question, pourquoi je ne m'arrête pas ?

La proximité des montagnes et la possibilité d'affleurer les contours du toit du monde m'électrisent. Je ne tiens pas en place. Le souvenir aussi des images de Lu Nan sur la vie quotidienne au Tibet. L'envie de pénétrer dans ces montagnes et d'y rester...

Mais Pékin est toujours bien loin et le temps file. Mon stress augmente à l'idée de devoir accélérer. Le tremblement de terre et ses nombreuses conséquences sont difficilement mesurables aujourd'hui et je ne sais comment orienter mon voyage. D'un autre côté je n'arrive plus à vivre au jour le jour comme j'aime. Ouiiii, j'ai besoin de repos !

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23 mai 2008 5 23 /05 /mai /2008 10:49
Shaping-Tianmajie - 80,59km. Ce matin, je prends la route pour Lijiang sous un ciel à nouveau menaçant. Est-ce l'orage qui s'annonce si tôt? Tous les chemins mènent à Rome, me répète ma voix intérieure, je m'apprête donc à prendre un détour par de plus petites routes. Arrivée à l'embranchement, je suis plongée dans un état de doutes quasi existentiels et met 45mn pour accepter de... renoncer à cette route. Bataille interne épuisante ! À l'orage que je crains une autre raison s'ajoute: dans mon esprit en ébullition permanente a germé une nouvelle idée : si j'arrive demain à Lijiang ou même après-demain, j'ai le temps d'aller au lac Lugu avant mon aller-retour à Hong Kong le 4 juin (j'avais écarté cette idée bien à contre coeur car trop loin...). Ce lac est le berceau de la culture Mosuo, l'une des dernières sociétés matriarcales de la planète, je rêve d'avoir un aperçu de ce royaume de femmes !

Chemin faisant vers Lijiang...

Ma nationale 214 ressemble à une départementale, c'est décidé je continue entre champs de blé et montagnes boisées. C'est aussi la route qui mène au Tibet. "2300km Lhasa" indiquent les bornes kilométriques dans les hautes herbes... et combien de milliers de mètres de dénivelés ?! Je rêve chaque jour un peu plus de parcourir cette route mythique. Aujourd'hui pas de regret à avoir, Pékin est à des milliers de kilomètres et après Dequin, le route est fermée aux étrangers. Dans quelques semaines, la flamme olympique empruntera ce chemin, pas question d'avoir des observateurs occidentaux si inoffensifs soient-ils ! Tout le monde s'accorde à dire que le Tibet restera inaccessible jusqu'à la fin des Jeux Olympiques. Vais-je seulement pouvoir emprunter la route Zhongdian (Shangri La) - Litang ? Si cet itinéraire est en dehors des frontières administratives du Tibet, il s'agit bien du Tibet historique, là où les manifestations et la répression ont été les plus virulentes en mars 2008.

Les paysans étalent le blé sur la route...

Voilà je pédale autant dans ma tête que sur la route... Faut que les paysans de la région me ramènent les pieds sur terre ! C'est chose faite un peu plus loin quand je me retrouve nez à nez avec un champ de blé coupé... sur la route !! Technique innovante pour battre le blé : jetez le sur la route, les camions feront le reste! Sous les roues de bus et voitures, le blé crisse, se sépare de l'épi. Puis la paille est retournée dans l'attente du prochain camion. Enfin, on sépare les épis des grains qu'on charge dans des hottes d'osier en plastique ou sur des tracteurs.

...pour une technique de battage innovante !

Pendant presque 2 jours, je vais rouler sur ces champs de blé et me battre pour que la paille ne se coince pas dans mes pignons. Fin de journée, l'orage gronde. Je m'abrite sous une station de gonflage des pneus de la police chinoise. Bientôt invitée à partager leur repas (il est 17h...), je n'ose dire que je n'ai paaas faim. Je repense aux différents cyclistes rencontrés: ils ont tous écopé de contrôles policiers sur la route alors que je passe encore entre les mailles du filet... S'ils savaient que je suis une dangereuse agitatrice ! Je meurs d'envie de leur dire que j'ai croisé deux de leurs collègues arrêtés au bord de la route, fenêtres ouvertes pris en flagrant délit de sieste. A Tianmajie, une djaodailsouo familiale m'accueille avant la pluie.

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