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22 mai 2008 4 22 /05 /mai /2008 19:28
Zhoncheng - Wase - Shaping 66,56km. Levée aux aurores, je pars petit-déjeuner sur le marché qui s'anime avec la lenteur des réveils difficiles. Il est 7h, la lumière me brûle déjà les yeux. Tout le village semble converger au ralenti vers cette place centrale sur laquelle un érable gigantesque étend ses branches en signe de protection. Au milieu de femmes Bai, je me régale de boulettes de riz collant caramélisées.

Petit déjeuner sur le marché de Zhoncheng

La coiffe des femmes comporte trois caractéristiques que les Bai décrivent poétiquement comme le vent, les fleurs, la neige. "En forme de demi-couronne, elle est composée de 3 parties : un cercle en tissu de coton à motifs de fleurs, surmonté par une frange courte de laine blanche et sur le côté un gallon de fil de soie blanche. Les fils de soie symbolisent le vent qui souffle des Monts Cangshan, la demi-couronne de fleurs représente les jolies filles de Dali et la frange de laine blanche symbolise la neige qui recouvre les Cangshan en hiver".

Plus que rassasiée, je grimpe dans le village là où me portent mes pas et me retrouve bientôt devant l'entrée d'un temple où des femmes sont en train de faire des offrandes à un bouddha. Je regarde silencieusement, sans vraiment comprendre la cérémonie puis, d'un geste, elles m'invitent à entrer dans le temple où ma présence, si elle n'est pas inaperçue, est totalement "intégrée" par les moines et les croyants qui continuent leurs rites sous mon regard curieux et interrogateur.

Si les Bai sont sous influences bouddhiste et taoïste depuis le royaume de Nanzhao, ils vouent un culte particulier à "Benzhu", le maître du lieu. Dans chaque village, on trouve un autel du dieu du sol, qui protège le village.

Les Bai conservent également un culte chamanique polythéiste, adorant les dragons, les sapins, le vent... Sur les hauteurs du village, je visite trois temples, à chaque fois on m'offre à manger des sortes de beignets huileux à souhait, qu'ils déposent aux pieds de leurs divinités, dans un concert de pétards.

Ce petit village de Zhoncheng me plaît beaucoup. Paisible et retranché vers les imposants monts Cangshan, c'est l'authenticité retrouvée et je me console du cirque de Dali. Comme je suis en avance sur mon périple, je continue de flâner et file vers l'autre rive du lac et le village de Wase. Mais je ne sais pas où est ma tête et pour la première fois, je tourne, tourne et retourne pour trouver le bon embranchement. À un moment je suis même face à l'entrée de l'expressway qui va sur Lijiang ! Ma tête est ailleurs, définitivement. Perdue comme une vache dans un pré, me dirait Penso Positivo. Les nuages moutonnent vers les cimes et le vent a repris du service. Ma tête ailleurs se transforme peu à peu en enclume. Je devrais commencer à m'inquiéter pour mes yeux qui empirent un peu plus chaque jour : je me couche et me réveille en migraine maintenant.

Dans la cour d'un temple Bai

Je tombe sur mon énième accident : un camion de goudron contre un minibus, l'un écrasant l'autre dans le contrebas d'une rizière. Imaginez les dégâts... 2 camions-grue s'affairent à extirper le camion pendant qu'une foule de badauds regarde comme si c'était du théâtre. Je dors dans une petite pension crado à Shaping après avoir rebroussé chemin sans avoir atteint Wase.

Sur la rive Est du lac Herhai

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21 mai 2008 3 21 /05 /mai /2008 15:56
Dali-Xizhou-Zhoncheng- 43,41km. Je me lève avec le soleil qui fait son grand retour ! Après un petit déjeuner muesli-chocolat façon Camille, je traverse la vieille ville qui déjà se remplit de touristes et me dirige vers les villages du bord du lac avec mon fidèle compagnon Multi. Mon intuition était bonne. Le peuple Bai est dans les champs.

Aux alentours de Dali

Je slalome entre les rizières, réponds aux sourires que l'on m'adresse. Aucune route ne suit la rive ouest du lac. La nationale que j'emprunte est collée aux montagnes, peu de circulation car une expressway ou stairway to hell a été construite entre le lac et les montagnes.

Riz repiqué

Alors que je ressers un frein (il est grand temps que je les change en fait), j'entends un "hi" occidental dans mon dos : 3 cyclo-touristes plus high-tech tu meurs !! Je vous laisse deviner la nationalité... Suisse bien sûr ! Nous bavardons un moment sous un soleil de plomb puis je les laisse filer pour m'enfoncer dans le petit village de Xizhou ou je déjeune de délicieuses nouilles sautées dans la communauté musulmane Hui. Le soleil est à son zénith et je commence à sentir les premières gênes dues à l'intense luminosité, ceci malgré mes lunettes de montagne que je déteste porter (ça change les couleurs et j'aime voir les yeux des gens, donc qu'ils voient les miens !).

Dans les rues de Xizhou

Dans mes pérégrinations je tombe sur une grande bâtisse dont les murs ocres attirent mon attention. Une jeune femme qui m'offre de l'eau, suit mon regard et me dit "hotel, american". C'est étonnant ! Au milieu de ces rizières, cette grande maison Bai se fond avec goût dans le paysage. Aucun panneau racoleur. Je laisse Multi à l'entrée sous le regard bienveillant d'un vieux en casquette Mao et passe la porte. Je suis immédiatement accueillie par une jeune chinoise qui m'invite à me reposer, boire un thé, manger. Tout cela dans un anglais élégant aux fortes intonations chinoises. Puis, arrive Ben. Américain parachuté dans ce petit village, il est chargé d'apprendre l'anglais à l'équipe chinoise qui gère le lieu. Xi Lin Yuan est le résultat de vingt ans de voyages et de travail d'un couple américain antiquaire passionnés de Chine et d'architecture. Pendant 5 ans, ils vont rénover cette ancienne bâtisse Bai, dont seuls les murs ont résisté à l'usure du temps et aux dégâts de la révolution culturelle. Sous l'oeil vigilant des autorités qui leurs imposent architectes et entrepreneurs, et avec l'aide de la population locale, ils ouvrent ce centre dédié a la culture et à l'histoire de la Chine.

L'architecture Bai est très raffinée. Les plus riches maisons comportent 3 cours. On accède à la première cour par un portail imposant qui donne sur 3 corps de bâtiment, l'un des murs comporte une peinture et souvent un caractère propitiatoire. La famille habite dans la cour suivante qui ouvre sur 4 autres petites cours à chaque angle. Quatre-vingt-huit cours de ce style seraient conservées à Xizhou.



Au marché de Xizhou



Au-delà d'un hôtel de caractère, Jeanee et Brian Linden souhaitent en faire un lieu d'études, d'ateliers artistiques, un lieu pour partager différentes cultures dans un respect mutuel. Je visite la trentaine de pièces, les chambres d'hôtes, les salles de bain à l'italienne, les pièces réservées à la méditation, la bibliothèque, le petit musée, sans oublier... le bar ! Cette maison est habitée, vraiment ! Les villageois se succèdent, des enfants courent, repartent. Oui, il y a une véritable présence de la population dans ce lieu qui leur appartient un peu aussi. C'est la première fois que je découvre un tel endroit en Chine. Je reste 4h à discuter avec Ben, Americano-vietnamien éclectique. De la production cinématographique pour les grands studios hollywoodiens à la publicité, en passant par des études de chinois, il vit aujourd'hui presque en reclus dans cette grande maison, loin de l'agitation de Dali. L'avalanche de mots est partagée cette fois et nous sommes juste heureux de nous trouver, tromper un instant nos solitudes presque communes.

L'après-midi bien avancé, je continue mon chemin jusqu'au lac Herhai. Couvrant 250km2, ce lac en forme d'oreille, est le 7ème plus grand lac d'eau douce du pays. Des ferries permettent de le traverser d'ouest en est mais les abords du lac sont déserts. Pas de pêcheurs de cormorans en vue. Je rebrousse chemin alors que le soleil décline, la plus belle heure, celle où la lumière adoucit les contours et fait briller les regards. Je tombe par hasard sur un minuscule marché où les paysans, de retour des champs, se pressent. Mon bonheur est là, encore une fois, à l'ecart des itinéraires touristiques et grâce à la liberté que me donne Multi. Je passe 2h parmi ces gens. Les femmes Bai arborent le costume traditionnel tandis que les vieux sont à l'ombre d'un arbre et fument pipes et feuilles de tabac serré, en silence.



Femmes Bai au marché de Xizhou















J'arrive à la nuit tombée (il est plus de 21h car je suis repassée manger avec Ben) dans le village de Zhoucheng, où je suis accueillie par une famille Bai très agréable, qui me prépare une crêpe de... fromage en guise de bienvenue !! Les Bai sont un des rares peuples de Chine à manger du fromage qu'ils fabriquent avec du lait de chèvre.

Retour de l'école

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20 mai 2008 2 20 /05 /mai /2008 10:35
Feng Yi - Dali , bords du lac, 52,42km. Vers midi, j’entre dans Dali, haut lieu touristique s’il en est, après plus de 35km (et non 20 comme je pensais…). J’étais prévenue mais c’est toujours un choc de se retrouver au milieu de boutiques de souvenirs, de chinoises Han déguisées en Bai… Mmh je sens que je ne vais pas faire long feu ici.

Les 3 pagodes de Dali figurent parmi les monuments les plus vieux de la Chine du sud ouest
La pagode au 1er plan, fut construite au IX siècle par des artisans de Xi'an


Après un petit tour rapide de la vieille ville, je me dégote finalement un petit hôtel chinois en dehors des remparts et de l’agitation. Personne ne parle anglais et peut-être vais je me priver d’informations sur les alentours, mais tant pis. Mon blues revient après m’avoir quitté momentanément hier…

L’après-midi j’enfourche Multi à vide (et manque d'être déséquilibrée par sa légèreté et son agilité !!) et vais explorer les alentours, le bord du lac, le site des 3 pagodes que je ne vois que de loin. Dali s'étend à la lisière ouest de l’Erhai Hu à 1900 mètres d’altitude. En toile de fond, les imposants Cang Shan (monts vert jade) culminant a 4000m, sont perdus dans les nuages.

Au bord du lac, une nouvelle ville se construit pour accueillir le tourisme de masse. Tout est identique, maisons, boutiques dépourvues d’âme. Je reviens vers la Dali “historique” et arpente les ruelles. Sortie de lycée et de collège. Touristes chinois qui se pressent pour la photo devant la porte ouest.



Sortie de classe à Dali



Les habitants de cette région sont en majorité des Bai (1,5 millions), un peuple qui se serait installé ici il y a trois millénaires. Au XIII siècle, ils regroupent leurs forces pour vaincre l'armée des Tang et établissent le royaume de Nanzhao dont la splendeur et l’influence seront sans pareil dans l’ouest de la Chine pendant ces trois siècles d'indépendance. Dali devient le dernier relais sur la célèbre route Birmane. Pourtant au milieu du XIII siècle, les invincible hordes mongoles de Qubilai Khan viennent à bout de cette indépendance.

L'atmosphère de la vieille ville noyée par des nuées de touristes et une prolifération de boutiques ne dégage plus rien de ce passé glorieux. Je photographie les touristes chinois qui visitent la ville au mégaphone. Ah le bruit !... élément indispensable pour la majorité des chinois. Le silence doit les terrifier, me dis-je intérieurement. Le soir, ma décision est prise, je plie bagages pour les alentours du lac ou j'espère trouver un semblant d'authenticité, du moins la vraie vie, celle de ceux qui triment dans cette chine à 2 vitesses.

Dali by night

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19 mai 2008 1 19 /05 /mai /2008 10:27
Trou perdu – Feng Yi – 100,22km. Au matin, je passe remercier mon pompiste et sa femme, qui m’attendent presque. Une carte est posée sur la table où ils me montrent des villages tibétains autour de Shangri La et de Dequin. Puis, Yang You Dao me remet un papier en chinois où je comprends qu’il m’a écrit les coordonnées de sa famille qui m’aidera à Shangri la. De rencontre en rencontre ma route se trace… La pluie, ce trou perdu, tout prend un sens.

Derrière les montagnes, Dali...

Je descends sur Yunnanyi et suis bien contente d’avoir pu éviter cette ville. La nuit m’a revigorée et j'aperçois avec bonheur une barre de montagnes devant moi. Je suis cernée. Dali et le lac Herhai se trouvent de l’autre côté. 20 km de côte mais étonnement je ne les sens pas passer. Je trouve mon rythme et monte en écoutant le requiem de Faure. Bon c’est vrai, y’a plus gai. Je change alors pour Thomas Fersen et là ça dépote ! Chaque coup de batterie n’est pas tout a fait égal à un tour de pédale mais bon, on y croit !

Rencontre de bord de route

Ensuite, c‘est la descente sur Xiaguan et les bords du lac, du moins c’est ce que je crois… il n’a pas plu de la journée mais quel dommage ce ciel bas et gris, ces nuages scotchés sur les montagnes, je ne vois rien ! Comme d’habitude, je retrouve la valse des camions aux klaxons hurlants et mes jambes m’abandonnent : l’entrée et la sortie des villes n’en finissent jamais en Chine. Je dors donc à Feng Yi, laissant Dali à quelques kilomètres.

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18 mai 2008 7 18 /05 /mai /2008 23:38
Nanhua-village minuscule près d’un col, après Pupeng - 74, 09 km. Sous un ciel déjà menaçant, je quitte mon hôte à 7h30 alors qu’elle se rend à son travail. Petite pause matinale au marché jusqu’à 9h30 où je m’agenouille près des marchandes Miao et Bai. Nouveaux costumes traditionnels, grandes coiffes et turbans noirs. Les femmes portent leur panier à l’aide d’une corde ceinte sur leur front.

Les manières de porter les charges évoluent au fil de mon trajet

Je me mets enfin en route dans des paysages que je ne retiens pas. À midi le ciel se déchire et dans un grondement de tonnerre, un déluge s’abat sur moi avant que je n’atteigne le sommet de la côte. Je m’abrite pendant une heure dans une cabane abandonnée. Il y a là une literie de paille, un âtre pour le feu, un mégot de cigarette, un bol de riz en fer. Quelque chose est griffonné sur les murs. Je ne peux m'empêcher de penser à Christopher McCandless, ce jeune qui paya de sa vie la poursuite d’un idéal plus fort que lui en s’isolant dans les confins de l’ Alaska.

L’orage se transformant en pluie drue, je rajoute des couches à ma tenue, un vrai bibendum : en plus de ma désormais connue parka Patagonie, de mon pantalon en gore-tex, je nous enveloppe, Multi et moi, dans un immense poncho chinois. Mains, guidon, porte-bagages, tout y passe (je regrette de ne pouvoir nous photographier... ça vaut la chandelle) ! Mais c’est sans compter sur le vent, ce cher ami, qui quelques kilomètres plus loin, se met de la partie et à coups de grandes rafales, manque de nous renverser plusieurs fois. 6h30 de pluie, sans un instant de répit, 20 km de côtes, la musique m’accompagne, je suis seule dans la montagne, les paysans ont regagné leurs maisons à la hâte. Les rares véhicules qui nous doublent, freinent à ma hauteur et passent la tête par la fenêtre afin de comprendre sans doute quel est cet ovni sur roues sous la pluie. C’est le cas de le dire, je suis totalement non identifiable. Je rate la petite ville de Pupeng et dois me taper encore 20-30km.

Dégoulinante et transie, je fais une halte dans une station service en manque de clients. Le patron m’invite à boire un thé brûlant, que je remplis de sucre.

C’est le début d’une longue série de sucres au thé, nouvelle boisson que j’inaugure cette fin d’après-midi là… Miraculeusement la communication passe très bien : lui dans sa station déserte de bout du monde trompe sa solitude en fumant cigarette sur cigarette et moi, je… je tente de combattre le froid qui a pris possession de mon corps jusqu'à l’os. Encore 10km jusqu'à la prochaine ville, de la descente, renchérit-il. Son visage me rappelle un peu celui des boliviens de l’altiplano.

Sa femme arrive toute souriante. Ils m’expliquent qu’ils sont de Shangri La et que leurs deux enfants vivent là-bas. La nécessité les a sans doute guidés jusqu'à ce trou perdu… Je dormirais bien sur la banquette près du poêle et comme s’il lisait dans mes pensées, mon bolivien chinois m’indique alors LA pension du village. J’ai peine à y croire. Pourtant je suis bientôt lovée contre le feu, emmitouflée dans ma doudoune que je sors du fond de mes sacs pour la première fois (patience... rien n’est inutile dans le soi-disant superflu que je me traîne depuis Guangzhou).

J’engloutis un bol de riz, un oeuf et 3 légumes sans goût pour le prix astronomique ( si, si !) de 15 yuans, mais qu’importe, je suis au sec. À 3h du matin, je me relèverais pour une tablette de chocolat et 1 snicker acheté au… Carrefour de Kunming !!

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17 mai 2008 6 17 /05 /mai /2008 23:29
Samedi, après mon faux départ de la veille, je charge Multi de bonne heure et prend la direction de la gare ouest de Kunming sous le regard de Yann, cyclo-touriste Breton et solitaire comme moi (nous faisons plus ou moins la même route et allons nous mailer pour nous alerter mutuellement des embûches). Le ciel est gris, incertain, la pluie fait son apparition après mon 1er km.

À la gare, j’ai la mauvaise surprise de m’entendre dire que non, on ne peut pas prendre Multi, que le bus pour Chuxiong est trop petit. Pourtant jeudi j’ai fait l’effort de me déplacer et de tout vérifier dans cette même gare… Deux jours plus tard, les visages derrière les guichets sont les mêmes mais les réponses diamétralement opposées. Ah chère Chine !... Je ne veux tellement pas revivre l’entrée dans Kunming que ma motivation pour en sortir est décuplée : je m’adresse alors à 10 personnes différentes pour décrocher ce OUIiiii. C’est terriblement frustrant dans ces moments-là, de ne pouvoir s’exprimer et comprendre POURQUOI… Même si une voix intérieure me dit que c’est parfois mieux une incompréhension linguistique qu’une incompréhension culturelle.

Je me dirige alors vers la sortie pour aller dans la gare principale et ô miracle, un chauffeur me hèle “Ok pour le vélo. 100 yuan !” (au lieu de 40…) ben voilà, j’ai le fin mot de l’histoire… 45mn d’attente où la patience en prend encore un coup pour finalement se rendre compte que ce n’est qu’une (évidente) histoire de sous… Alors pour 80 yuans finalement, je couche Multi dans les soutes et me voilà enfin en route.

Chuxiong, ville moderne. Tout me parait grand, nouveau, comme sorti de nulle part et construit la veille. Les avenues sont immenses. Je déjeune et prend la route somnolente avec un mal de tête lancinant. J’ai dormi 4h, les séjours en ville rimant le plus souvent avec peu de sommeil. À quand les journées de 48h…



Maison de village Hui



Je roule sur une nationale à taille humaine, l’équivalent de nos départementales françaises. Maisons blanches, blasons ronds colorés sur les murs, inscriptions en arabe. Je traverse des villages Hui et Bai.

A Nanhua, soit après seulement 40km, je ne pense qu’à une chose : DORMIR. Mais une nouvelle fois je galère pour trouver un hôtel qui veuille de moi. Finalement, Huang Ling Lan, la jeune fille qui m’aide ce soir-là, m’invite chez elle, dépitée et presque honteuse que personne ne veuille me recevoir. Bizarrement, j'hésite. J’ai tellement sommeil que la perspective de fournir un effort de plus et raconter mon histoire à toute une famille me parait surhumaine… mais je ne peux expliquer quoique ce soit et accepte, bien reconnaissante tout de même ! Comme une surprise n’arrive généralement jamais seule, je passe la porte d’une maison vide, les parents sont en voyage dans la province. Mon silence fait le reste : je me couche presqu’aussitôt arrivée.


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15 mai 2008 4 15 /05 /mai /2008 15:05
Jeudi soir, Coralie et Alain viennent me soutenir une dernière fois. Ils ont acheté la moitié de la ville qu'ils expédient par bateau vers la Suisse (la mer Suisse, c'est bien connu...). Alain, masseur-rebouteux-thérapeute, me fait un massage du canal Carpien extraordinaire. La circulation revient peu a peu dans mes doigts qui perdent sensibilité et force après des heures passées accrochée au guidon. Nous ne sommes plus que six cyclo-touristes à l'auberge qui regorge de français. Il est temps que je retrouve la route...

Le départ d'Andrea et de Marcel pour le Laos

Vendredi, je décide de prendre un bus pour Chuxiong afin de raccourcir le trajet sur la nationale que je ne sens pas trop. J'aimerais tant couper par les petites routes, avoir tout le temps devant moi, et surtout pas ces calculs de jours à faire... Mes sacs sont prêts, Multi également qui trépigne d'impatience de reprendre la route... Mais je me lève avec une boule au creux du ventre et n'arriverai pas à partir. J'ai regardé et lu des informations sur internet jusqu'à 3h du matin, j'ai la tête pleine de ces images du tremblement de terre qui chaque jour se révèle plus dévastateur et ce matin mon voyage me parait bien inutile. De l'autre côté des montagnes, c'est la désolation et les larmes. C'est facile de zapper et passer à autre chose, pourtant ce matin je n'y arrive pas. Trop de questions sans réponses. Je voudrais juste que mon cerveau s'arrête 2mn et me laisse respirer. Pour cela je reprends la rédaction de ces lignes et relis Lin Yutang.


"C'est là, semble-t-il la seule façon d'observer la Chine ou tout autre nation étrangère; il faut s'inspirer, non des conceptions exotiques, mais de celles de l'humanité en général, pénétrer l'originalité superficielle des coutumes, et rechercher la civilité réelle; il convient de voir plus loin que l'aspect inaccoutumé des costumes féminins, de découvrir la vraie femme, et le sentiment maternel, d'observer la méchanceté des garçons, et les rêves habituels des filles. Cette méchanceté, ces rêves, ces éclats de rire des enfants, et leurs battements de pieds, les pleurs des femmes, les peines des hommes, sont partout les mêmes; c'est par eux seulement que nous pouvons comprendre un peuple. La seule différence réside dans la forme des coutumes sociales. Voilà quelle est la base équitable de tout examen critique d'une nation étrangère." La Chine et les chinois, Lin Yutang.

 

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14 mai 2008 3 14 /05 /mai /2008 14:58
Les jours suivant, les images tournent en boucle sur tous les postes de la ville, l'ampleur de cette catastrophe est difficilement imaginable.

J'entends le chiffre de 100 000 morts et disparus. J'ai réussi à joindre mes amis du Sichuan, qui sont tous sains et saufs mais traumatisés. Je repense au documentaire sur la vie de Mao que j'ai vu la veille et au tremblement de terre qui a précédé sa mort, 250 000 victimes officielles mais aujourd'hui on s'accorde à dire que peut-être près d'un million de chinois sont morts en 1976. Le tremblement de terre au Sichuan est survenu 88 jours avant l'ouverture des jeux olympique du 8/08/2008 à 8h.... Le 8 étant le chiffre préféré des chinois, celui de la prospérité. Quels signes va t-on lire dans ce nouveau drame ?

Je dois recoller à mon actualité et organiser la suite de mon voyage mais je ne vous cache pas que c'est difficile de se remotiver. J'entends que la route que je veux emprunter est fermée aux étrangers, la BSP (la police politique) ne laissant aucun touriste entrer en contact avec les populations tibétaines. Mon itinéraire ne passe pas par le Tibet administratif mais bien par le Tibet historique, celui d'avant l'annexion de la Chine en 1949. En l'absence de vraies infos, je décide de poursuivre ma route comme prévu vers Dali, en essayant de trouver comment éviter cette nouvelle nationale.

Le problème c'est que j'ai à peine 3 semaines et que je ne veux pas courir. Le 4 juin je prends le bus de nuit puis un avion pour un aller/retour Hong Kong afin de renouveler mes 90 jours d'autorisation de territoire sur mon visa de 6 mois.

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12 mai 2008 1 12 /05 /mai /2008 14:51
La dure arrivée de la veille semble lointaine, je réussis dans la foulée à résoudre mes problèmes d'ipod bloqué depuis le début du voyage (avec tous mes fichiers préparés inaccessibles) et Multi est entièrement démonté et nettoyé avec l'aide de Marcel, qui m'explique patiemment les étapes à suivre. Il est comme neuf après 4h de grand nettoyage de printemps.

Marcel démonte Multi pièce par pièce, pour l'ausculter jusqu'à l'os !

Pour couronner le tout, je reconnais une voix familière dans mon dos «mais c ‘est pas le pantalon de Camille ça ?» et qui vois-je ? mes cyclos suisses au grand coeur, Coralie et Alain, alias Penso Positivo, rencontrés a Guilin. Je leur tombe cette fois littéralement dans les bras. Ils ont pris la direction du Vietnam et bifurqué sur Kunming avant. La thérapie reprend et je passe une soirée à pleurer de rire avec Alain et ses expressions suisses qui comprennent un animal dans chaque phrase.

De retour à l'auberge, je tombe sur un message de Wan Shan de Guangzhou, 6 appels en mon absence de Kin. la terrible nouvelle du tremblement de terre a Chengdu tombe. D'un seul coup, je me reconnecte au monde... Le cyclone en Birmanie, la ville de Chaiten en Patagonie recouverte par les cendres du volcan. Je rassure mes amis, ici à Kunming nous sommes a 1890 mètres d'altitude, il semble que la barrière de montagnes qui nous sépare du Sichuan nous ait protégé. Comment comprendre alors que les secousses soient allées jusqu'à Hanoi, Bangkok...

Deuxième nuit d'insomnie, je ne peux m'empêcher de repenser aux derniers jours, aux changements d'itinéraires auxquels j'ai renoncé... mon enfer d'hier me parait dérisoire.

Hier Marcel me racontait comment ils avaient été priés en pleine nuit de quitter illico-presto une ville du Hunan, interdite aux étrangers. Un peu plus tôt dans la journée, ils avaient vu une vingtaine de prisonniers les mains attachées, une inscription accrochée sur la poitrine, défiler dans les rues encadrés de camions de police. Leur sang s'était glacé à l'idée qu'il s'agisse de condamnés à mort en attente d'exécution. On a tous entendu parler de ces villages interdits, ou les exécutions capitales ont lieu loin des regards. Cette Chine, je ne l'ai pas vue, mais je la sens présente dans les récits que l'on me fait parfois.

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11 mai 2008 7 11 /05 /mai /2008 14:37
Cheminées géantes à la sortie de Tangchi

Tangchi- Kunming. La nuit a été plus qu'agitée, un karaoke star academy local a secoué la place centrale sous mes fenêtres jusqu'à 5h du matin, autrement dit je n'ai pas fermé l'oeil. Et je ne sais pas encore que les 48,72 kilomètres qui me séparent de Kunming vont être un véritable enfer.

Je suis incapable de vous dire ce que j'ai vu, des montées et des descentes qui se succèdent avec 10 camions chargés de charbon qui me dégazent dans le visage toutes les minutes. Je deviens FOOOLLE, peste, crie, tous les noms d'oiseaux y passeront. Si la Chine a plus de 800 millions de paysans, 600 autres millions sont chauffeurs de camions pour moi. Le nombre de magasins de pneus ou d'ateliers de réparation dans chaque village et ville traversés en témoigne. Des kilomètres de cambouis composent l'entrée des villes.

Les camions de charbon qui lâchent d'épais nuages de fumée noire à chaque reprise

C'est en larmes que j'entre dans Kunming, la cité de l'éternel printemps. De la highway je me retrouve contrainte et forcée de prendre l'expressway, l'autoroute voie rapide qui conduirait une fusée droit en enfer, 7 voies, ça double à droite, à gauche, crissements de pneus, klaxons bloqués, je vais me tuer. Je prends n'importe quelle sortie et m'assoit par terre. Je n'irai pas plus loin, que personne ne vienne me parler ou je l'étrangle.

J'entends alors «may I help You», une voix douce, un sourire, une jeune femme qui descend de voiture. Je tente de me recomposer un visage, cherche mes mots. J'ai juste envie qu'on me prenne dans ses bras, qu'on s'occupe de moi. Je ne veux plus penser, chercher, comprendre, regarder, observer... Je veux plus, je peux plus. Je voudrais plonger dans la mer, m'enfoncer dans l'eau, m'ôter cette poussière de charbon que je sens jusqu'au creux de l'estomac.

Je pense un instant prendre une chambre dans un hôtel avec piscine, sauna, massage et tutti quanti, mais je reviens à la raison et me voilà en route pour la Youth Hostel de Kunming. Je me jette sur internet en arrivant, en souhaitant désespérément que des messages m'attendent. Nouveau coup dur. Dans ces moments-là, faute de bras pour se réfugier, on compte sur la famille, les amis pour se réconforter. Je sais qu'ils sont tous là, quelque part. Mais cette fois, j'avais aussi besoin de VOUS entendre, de voir enfin une réaction au blog. Je n'ai alors pas en tête les vacances, les ponts du mois de mai. Je vois juste que ça fait bientôt 2 mois que j'essaie de vous faire vivre notre voyage avec Multi, et ce soir je me sens pour la première fois plus seule que jamais.

Ma rencontre avec Andréa et Marcel, deux cyclo-touristes suisses, efface peu à peu l'amertume que je ressens. Partis depuis septembre 2007 de Suisse pour l'Afrique du sud, la nouvelle de la grossesse de Andréa les amène à changer de destination. L'Asie leur parait moins difficile pour accueillir la naissance de leur bébé. Là, je comprends que Andréa, enceinte de 7 mois est toujours en selle. Je suis littéralement soufflée !!

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