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10 mai 2008 6 10 /05 /mai /2008 13:56
Zhaokua-Tangchi, 110,79km, 15,75km/h de moyenne. Je mets les bouchées doubles, cette route me sort par les yeux...

8h30 dans les rues de Zhaokua

Je quitte mon hôtel... que dis-je... ce bouge... tôt, mais m'arrête nette devant la boucherie improvisée de la rue : des hommes viennent d'égorger un énooooooooooooorme taureau, encore pieds liés par des chaînes et retenu par 8 autres personnes. Je les regarde dépecer la bête puis la découper... Enfin je m'en vais aux entrailles sinon je vais passer ma journée ici. Cette scène je la connais par coeur pour l'avoir vécue maintes fois en Patagonie chilienne.

Je crois que la majorité des habitants de ce village appartient à la minorité Hui, une des deux minorités musulmanes de Chine. En sortant, ce matin je suis tombée sur un chinois en... djelaba. Un peu surprise quand même ! La saveur de ma soupe de nouilles du petit dej m'a également rappelé celles dégustées à Guilin dans les restaurants musulmans. La population Hui est très nombreuse au Yunan et date du XIIIe siècle lorsque les mongoles de Kubilai Kan (petit fils de Gengis Khan) envahissent la province pour prendre à revers l'armee des Song. Dès lors un gouverneur musulman est nommé à la tête du Yunan et dans le sillage arrivent commerçants et artisans musulmans. Pendant la dynastie mongole Yuan, des mosquées sont érigées dans toute la Chine. Beaucoup de textes arabes seront traduits à cette époque là et influenceront les mathématiciens chinois.


Au Yunan les hommes fument une poudre de tabac jaune appelée "Cheveux d'Anges" dans ces grandes pipes à eau en bambou


Aujourd'hui les Hui sont impossibles à différencier des Hans. Comme d'autres minorités, ils ont subi beaucoup de persécutions, notamment pendant la révolution culturelle. Certains hommes portent une calotte, les femmes sont parfois voilées, des inscriptions religieuses en arabe et des photos de la Mecque sont souvent affichées dans les restaurants.

La population musulmane totale de la Chine s'élève à plus de 20 millions (c'est à dire la population de l'Irak a peu près ?), ce qui en fait le 6ème (sauf erreur) pays musulman au monde. Peu après sur la route, je verrai un panneau doublé en arabe : je suis bien en région Hui !

Je continue sur mon plateau de champs labourés à 1900 mètres d'altitude. Les visages me paraissent plus renfermés, les sourires plus rares. Bientôt c'est ma première attaque de chiens. Je les avais oubliés ceux-la... J'ai bien vu qu'ils ont changé d'aspect et de couleur (de jaunes à noirs, de petits à gros bâtards genre bergers allemands... dans ma famille on est des grands spécialistes des chiens !). J'ai bien vu aussi qu'ils sont souvent attachés et montent la garde, mais celui qui court en direction de mes mollets, alors pas du tout !! J'accélère mais je suis en côte... Finalement je lui décoche un grand coup de pied dans le museau. Miracle, j'ai dû vraiment taper fort car ça le stoppe net.

La route Zhaokua-Shilin, je l'ai dit, n'existe que dans la tête des cartographes Nelles. Je suis obligée de faire un détour par Luliang pour atteindre Shilin et sa forêt de pierres, haut-lieu touristique du Yunan. Je demande mon chemin plusieurs fois mais parfois mon interlocuteur est tellement sous le choc (ah je devrais dire sous le charme, et m'envoyer quelques fleurs... Je sens que j'ai besoin qu'on s'occupe de moi oui !) de ma présence, que j'ai l'impression que son cerveau n'imprime pas : je lui montre en chinois «est-ce que c'est la route pour...», «est-ce que ça monte ?», il me répond oui et non à la fois, le regard ailleurs. D'autres fois, c'est la grande tirade, j'ose à peine le couper pour placer que je n'ai rien compris du tout, stooop ! Je veux juste une direction, pourtant c'est simple. Je trace deux points, la village X et la ville Y, je dois aller de X a Y mais sans résultat, je m'entends répéter les mots Y, X comme une litanie sans sens. Hélas, est-ce l'effet des 350km sur la highway 324 mais je sens que ma patience s'est envolée. Finalement, avec mes cartes et ma boussole, je me débrouille pas plus mal.

Shilin et sa forêt de pierres que je m'abstiendrai de visiter

Je renonce à la forêt de pierres, un ensemble de pitons calcaires gris, érodés par la pluie et le vent, dont l'entrée coute 150 yuans. C'est sans doute très beau quand on est seul, mais avec un chinois caché derrière chaque pierre en costume traditionnel Sani... Non, très peu pour moi ! La leçon que je tire de ces presque 2 mois en Chine est la suivante : je crois que définitivement, les sites naturels signalés, je les éviterai et trouverai par moi-même l'authenticité des paysages et des gens.

Une quarantaine de kilomètres avant Kunming, je trouve un hôtel en bord de lac que je ne vois pas (la surprise le lendemain...) et me dirige vers un restaurant qui donne envie. 110km et et 3 bananes dans le ventre, je mangerai bien le taureau de ce matin. Mais gros quiproquo avec la serveuse, de tchao (sauté) elle comprend soupe parce qu'elle me montre une assiette creuse et que oui j'aimerais une grooosse portion. Quelques minutes plus tard, mes légumes arrivent en soupe avec mes aiguillettes de canard grillé. Evénement dérisoire, et presque quotidien, mais ce soir, ça a le dont de me mettre dans une rogne silencieuse sans nom. Pour la première fois, je me suis assise comme ils me l'ont demandé au lieu d'aller en cuisine, et voilà ! Une soupe alors que je suis déjà a 200 degrés ! Je reste devant mon assiette sans bouger pendant 1h et quand la soupe est bien froide, la mauvaise humeur plus ou moins passée, je me décide à engloutir le tout et vais m'acheter 2 kg de fruits, 2 glaces, des madeleines (vrai de vrai), du chocolat, enfiiin !!

Le lac de Tangchi au petit matin

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