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15 mai 2008 4 15 /05 /mai /2008 15:05
Jeudi soir, Coralie et Alain viennent me soutenir une dernière fois. Ils ont acheté la moitié de la ville qu'ils expédient par bateau vers la Suisse (la mer Suisse, c'est bien connu...). Alain, masseur-rebouteux-thérapeute, me fait un massage du canal Carpien extraordinaire. La circulation revient peu a peu dans mes doigts qui perdent sensibilité et force après des heures passées accrochée au guidon. Nous ne sommes plus que six cyclo-touristes à l'auberge qui regorge de français. Il est temps que je retrouve la route...

Le départ d'Andrea et de Marcel pour le Laos

Vendredi, je décide de prendre un bus pour Chuxiong afin de raccourcir le trajet sur la nationale que je ne sens pas trop. J'aimerais tant couper par les petites routes, avoir tout le temps devant moi, et surtout pas ces calculs de jours à faire... Mes sacs sont prêts, Multi également qui trépigne d'impatience de reprendre la route... Mais je me lève avec une boule au creux du ventre et n'arriverai pas à partir. J'ai regardé et lu des informations sur internet jusqu'à 3h du matin, j'ai la tête pleine de ces images du tremblement de terre qui chaque jour se révèle plus dévastateur et ce matin mon voyage me parait bien inutile. De l'autre côté des montagnes, c'est la désolation et les larmes. C'est facile de zapper et passer à autre chose, pourtant ce matin je n'y arrive pas. Trop de questions sans réponses. Je voudrais juste que mon cerveau s'arrête 2mn et me laisse respirer. Pour cela je reprends la rédaction de ces lignes et relis Lin Yutang.


"C'est là, semble-t-il la seule façon d'observer la Chine ou tout autre nation étrangère; il faut s'inspirer, non des conceptions exotiques, mais de celles de l'humanité en général, pénétrer l'originalité superficielle des coutumes, et rechercher la civilité réelle; il convient de voir plus loin que l'aspect inaccoutumé des costumes féminins, de découvrir la vraie femme, et le sentiment maternel, d'observer la méchanceté des garçons, et les rêves habituels des filles. Cette méchanceté, ces rêves, ces éclats de rire des enfants, et leurs battements de pieds, les pleurs des femmes, les peines des hommes, sont partout les mêmes; c'est par eux seulement que nous pouvons comprendre un peuple. La seule différence réside dans la forme des coutumes sociales. Voilà quelle est la base équitable de tout examen critique d'une nation étrangère." La Chine et les chinois, Lin Yutang.

 

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14 mai 2008 3 14 /05 /mai /2008 14:58
Les jours suivant, les images tournent en boucle sur tous les postes de la ville, l'ampleur de cette catastrophe est difficilement imaginable.

J'entends le chiffre de 100 000 morts et disparus. J'ai réussi à joindre mes amis du Sichuan, qui sont tous sains et saufs mais traumatisés. Je repense au documentaire sur la vie de Mao que j'ai vu la veille et au tremblement de terre qui a précédé sa mort, 250 000 victimes officielles mais aujourd'hui on s'accorde à dire que peut-être près d'un million de chinois sont morts en 1976. Le tremblement de terre au Sichuan est survenu 88 jours avant l'ouverture des jeux olympique du 8/08/2008 à 8h.... Le 8 étant le chiffre préféré des chinois, celui de la prospérité. Quels signes va t-on lire dans ce nouveau drame ?

Je dois recoller à mon actualité et organiser la suite de mon voyage mais je ne vous cache pas que c'est difficile de se remotiver. J'entends que la route que je veux emprunter est fermée aux étrangers, la BSP (la police politique) ne laissant aucun touriste entrer en contact avec les populations tibétaines. Mon itinéraire ne passe pas par le Tibet administratif mais bien par le Tibet historique, celui d'avant l'annexion de la Chine en 1949. En l'absence de vraies infos, je décide de poursuivre ma route comme prévu vers Dali, en essayant de trouver comment éviter cette nouvelle nationale.

Le problème c'est que j'ai à peine 3 semaines et que je ne veux pas courir. Le 4 juin je prends le bus de nuit puis un avion pour un aller/retour Hong Kong afin de renouveler mes 90 jours d'autorisation de territoire sur mon visa de 6 mois.

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12 mai 2008 1 12 /05 /mai /2008 14:51
La dure arrivée de la veille semble lointaine, je réussis dans la foulée à résoudre mes problèmes d'ipod bloqué depuis le début du voyage (avec tous mes fichiers préparés inaccessibles) et Multi est entièrement démonté et nettoyé avec l'aide de Marcel, qui m'explique patiemment les étapes à suivre. Il est comme neuf après 4h de grand nettoyage de printemps.

Marcel démonte Multi pièce par pièce, pour l'ausculter jusqu'à l'os !

Pour couronner le tout, je reconnais une voix familière dans mon dos «mais c ‘est pas le pantalon de Camille ça ?» et qui vois-je ? mes cyclos suisses au grand coeur, Coralie et Alain, alias Penso Positivo, rencontrés a Guilin. Je leur tombe cette fois littéralement dans les bras. Ils ont pris la direction du Vietnam et bifurqué sur Kunming avant. La thérapie reprend et je passe une soirée à pleurer de rire avec Alain et ses expressions suisses qui comprennent un animal dans chaque phrase.

De retour à l'auberge, je tombe sur un message de Wan Shan de Guangzhou, 6 appels en mon absence de Kin. la terrible nouvelle du tremblement de terre a Chengdu tombe. D'un seul coup, je me reconnecte au monde... Le cyclone en Birmanie, la ville de Chaiten en Patagonie recouverte par les cendres du volcan. Je rassure mes amis, ici à Kunming nous sommes a 1890 mètres d'altitude, il semble que la barrière de montagnes qui nous sépare du Sichuan nous ait protégé. Comment comprendre alors que les secousses soient allées jusqu'à Hanoi, Bangkok...

Deuxième nuit d'insomnie, je ne peux m'empêcher de repenser aux derniers jours, aux changements d'itinéraires auxquels j'ai renoncé... mon enfer d'hier me parait dérisoire.

Hier Marcel me racontait comment ils avaient été priés en pleine nuit de quitter illico-presto une ville du Hunan, interdite aux étrangers. Un peu plus tôt dans la journée, ils avaient vu une vingtaine de prisonniers les mains attachées, une inscription accrochée sur la poitrine, défiler dans les rues encadrés de camions de police. Leur sang s'était glacé à l'idée qu'il s'agisse de condamnés à mort en attente d'exécution. On a tous entendu parler de ces villages interdits, ou les exécutions capitales ont lieu loin des regards. Cette Chine, je ne l'ai pas vue, mais je la sens présente dans les récits que l'on me fait parfois.

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11 mai 2008 7 11 /05 /mai /2008 14:37
Cheminées géantes à la sortie de Tangchi

Tangchi- Kunming. La nuit a été plus qu'agitée, un karaoke star academy local a secoué la place centrale sous mes fenêtres jusqu'à 5h du matin, autrement dit je n'ai pas fermé l'oeil. Et je ne sais pas encore que les 48,72 kilomètres qui me séparent de Kunming vont être un véritable enfer.

Je suis incapable de vous dire ce que j'ai vu, des montées et des descentes qui se succèdent avec 10 camions chargés de charbon qui me dégazent dans le visage toutes les minutes. Je deviens FOOOLLE, peste, crie, tous les noms d'oiseaux y passeront. Si la Chine a plus de 800 millions de paysans, 600 autres millions sont chauffeurs de camions pour moi. Le nombre de magasins de pneus ou d'ateliers de réparation dans chaque village et ville traversés en témoigne. Des kilomètres de cambouis composent l'entrée des villes.

Les camions de charbon qui lâchent d'épais nuages de fumée noire à chaque reprise

C'est en larmes que j'entre dans Kunming, la cité de l'éternel printemps. De la highway je me retrouve contrainte et forcée de prendre l'expressway, l'autoroute voie rapide qui conduirait une fusée droit en enfer, 7 voies, ça double à droite, à gauche, crissements de pneus, klaxons bloqués, je vais me tuer. Je prends n'importe quelle sortie et m'assoit par terre. Je n'irai pas plus loin, que personne ne vienne me parler ou je l'étrangle.

J'entends alors «may I help You», une voix douce, un sourire, une jeune femme qui descend de voiture. Je tente de me recomposer un visage, cherche mes mots. J'ai juste envie qu'on me prenne dans ses bras, qu'on s'occupe de moi. Je ne veux plus penser, chercher, comprendre, regarder, observer... Je veux plus, je peux plus. Je voudrais plonger dans la mer, m'enfoncer dans l'eau, m'ôter cette poussière de charbon que je sens jusqu'au creux de l'estomac.

Je pense un instant prendre une chambre dans un hôtel avec piscine, sauna, massage et tutti quanti, mais je reviens à la raison et me voilà en route pour la Youth Hostel de Kunming. Je me jette sur internet en arrivant, en souhaitant désespérément que des messages m'attendent. Nouveau coup dur. Dans ces moments-là, faute de bras pour se réfugier, on compte sur la famille, les amis pour se réconforter. Je sais qu'ils sont tous là, quelque part. Mais cette fois, j'avais aussi besoin de VOUS entendre, de voir enfin une réaction au blog. Je n'ai alors pas en tête les vacances, les ponts du mois de mai. Je vois juste que ça fait bientôt 2 mois que j'essaie de vous faire vivre notre voyage avec Multi, et ce soir je me sens pour la première fois plus seule que jamais.

Ma rencontre avec Andréa et Marcel, deux cyclo-touristes suisses, efface peu à peu l'amertume que je ressens. Partis depuis septembre 2007 de Suisse pour l'Afrique du sud, la nouvelle de la grossesse de Andréa les amène à changer de destination. L'Asie leur parait moins difficile pour accueillir la naissance de leur bébé. Là, je comprends que Andréa, enceinte de 7 mois est toujours en selle. Je suis littéralement soufflée !!

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10 mai 2008 6 10 /05 /mai /2008 13:56
Zhaokua-Tangchi, 110,79km, 15,75km/h de moyenne. Je mets les bouchées doubles, cette route me sort par les yeux...

8h30 dans les rues de Zhaokua

Je quitte mon hôtel... que dis-je... ce bouge... tôt, mais m'arrête nette devant la boucherie improvisée de la rue : des hommes viennent d'égorger un énooooooooooooorme taureau, encore pieds liés par des chaînes et retenu par 8 autres personnes. Je les regarde dépecer la bête puis la découper... Enfin je m'en vais aux entrailles sinon je vais passer ma journée ici. Cette scène je la connais par coeur pour l'avoir vécue maintes fois en Patagonie chilienne.

Je crois que la majorité des habitants de ce village appartient à la minorité Hui, une des deux minorités musulmanes de Chine. En sortant, ce matin je suis tombée sur un chinois en... djelaba. Un peu surprise quand même ! La saveur de ma soupe de nouilles du petit dej m'a également rappelé celles dégustées à Guilin dans les restaurants musulmans. La population Hui est très nombreuse au Yunan et date du XIIIe siècle lorsque les mongoles de Kubilai Kan (petit fils de Gengis Khan) envahissent la province pour prendre à revers l'armee des Song. Dès lors un gouverneur musulman est nommé à la tête du Yunan et dans le sillage arrivent commerçants et artisans musulmans. Pendant la dynastie mongole Yuan, des mosquées sont érigées dans toute la Chine. Beaucoup de textes arabes seront traduits à cette époque là et influenceront les mathématiciens chinois.


Au Yunan les hommes fument une poudre de tabac jaune appelée "Cheveux d'Anges" dans ces grandes pipes à eau en bambou


Aujourd'hui les Hui sont impossibles à différencier des Hans. Comme d'autres minorités, ils ont subi beaucoup de persécutions, notamment pendant la révolution culturelle. Certains hommes portent une calotte, les femmes sont parfois voilées, des inscriptions religieuses en arabe et des photos de la Mecque sont souvent affichées dans les restaurants.

La population musulmane totale de la Chine s'élève à plus de 20 millions (c'est à dire la population de l'Irak a peu près ?), ce qui en fait le 6ème (sauf erreur) pays musulman au monde. Peu après sur la route, je verrai un panneau doublé en arabe : je suis bien en région Hui !

Je continue sur mon plateau de champs labourés à 1900 mètres d'altitude. Les visages me paraissent plus renfermés, les sourires plus rares. Bientôt c'est ma première attaque de chiens. Je les avais oubliés ceux-la... J'ai bien vu qu'ils ont changé d'aspect et de couleur (de jaunes à noirs, de petits à gros bâtards genre bergers allemands... dans ma famille on est des grands spécialistes des chiens !). J'ai bien vu aussi qu'ils sont souvent attachés et montent la garde, mais celui qui court en direction de mes mollets, alors pas du tout !! J'accélère mais je suis en côte... Finalement je lui décoche un grand coup de pied dans le museau. Miracle, j'ai dû vraiment taper fort car ça le stoppe net.

La route Zhaokua-Shilin, je l'ai dit, n'existe que dans la tête des cartographes Nelles. Je suis obligée de faire un détour par Luliang pour atteindre Shilin et sa forêt de pierres, haut-lieu touristique du Yunan. Je demande mon chemin plusieurs fois mais parfois mon interlocuteur est tellement sous le choc (ah je devrais dire sous le charme, et m'envoyer quelques fleurs... Je sens que j'ai besoin qu'on s'occupe de moi oui !) de ma présence, que j'ai l'impression que son cerveau n'imprime pas : je lui montre en chinois «est-ce que c'est la route pour...», «est-ce que ça monte ?», il me répond oui et non à la fois, le regard ailleurs. D'autres fois, c'est la grande tirade, j'ose à peine le couper pour placer que je n'ai rien compris du tout, stooop ! Je veux juste une direction, pourtant c'est simple. Je trace deux points, la village X et la ville Y, je dois aller de X a Y mais sans résultat, je m'entends répéter les mots Y, X comme une litanie sans sens. Hélas, est-ce l'effet des 350km sur la highway 324 mais je sens que ma patience s'est envolée. Finalement, avec mes cartes et ma boussole, je me débrouille pas plus mal.

Shilin et sa forêt de pierres que je m'abstiendrai de visiter

Je renonce à la forêt de pierres, un ensemble de pitons calcaires gris, érodés par la pluie et le vent, dont l'entrée coute 150 yuans. C'est sans doute très beau quand on est seul, mais avec un chinois caché derrière chaque pierre en costume traditionnel Sani... Non, très peu pour moi ! La leçon que je tire de ces presque 2 mois en Chine est la suivante : je crois que définitivement, les sites naturels signalés, je les éviterai et trouverai par moi-même l'authenticité des paysages et des gens.

Une quarantaine de kilomètres avant Kunming, je trouve un hôtel en bord de lac que je ne vois pas (la surprise le lendemain...) et me dirige vers un restaurant qui donne envie. 110km et et 3 bananes dans le ventre, je mangerai bien le taureau de ce matin. Mais gros quiproquo avec la serveuse, de tchao (sauté) elle comprend soupe parce qu'elle me montre une assiette creuse et que oui j'aimerais une grooosse portion. Quelques minutes plus tard, mes légumes arrivent en soupe avec mes aiguillettes de canard grillé. Evénement dérisoire, et presque quotidien, mais ce soir, ça a le dont de me mettre dans une rogne silencieuse sans nom. Pour la première fois, je me suis assise comme ils me l'ont demandé au lieu d'aller en cuisine, et voilà ! Une soupe alors que je suis déjà a 200 degrés ! Je reste devant mon assiette sans bouger pendant 1h et quand la soupe est bien froide, la mauvaise humeur plus ou moins passée, je me décide à engloutir le tout et vais m'acheter 2 kg de fruits, 2 glaces, des madeleines (vrai de vrai), du chocolat, enfiiin !!

Le lac de Tangchi au petit matin

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9 mai 2008 5 09 /05 /mai /2008 12:50
Je pars dans une brume épaisse. La pluie est de retour mais ne durera pas. 3 jours encore et je suis à Kunming, mais la perspective de suivre cette nationale ne m'enchante guère. J'ai beau tourner la carte dans tous les sens, je n'ai pas le choix, sinon c'est 200km de plus et là, je joue la montre, je veux attaquer la montagne, celle qui me coupera le souffle dans tous les sens du terme, avant de devoir faire un saut express a Hong Kong pour mon visa.

Nationale 324 - Interdite aux piétons, aux cyclistes, et aux ruminants en tout genre

Luoping-Zhaokoa, 93,06km. Pas grand chose à dire en fait. Cette entrée au Yunan est bien décevante, moi qui ai renoncé à un itinéraire de petites routes beaucoup plus au nord : je souhaitais entrer au Sichuan depuis le Guizhou directement. Mais l'absence de grande ville et les difficultés de communication m'ont fait revenir à la raison (bien mal m'en a pris au vu de l'actualité dramatique d'aujourdhui... et oui, j'écris à retardement...). Je voulais aussi avoir le temps de m'imprégner du Yunan, cette province qui compte la moitié des ethnies minoritaires de Chine et des paysages aussi variés que fabuleux.

Mmmmmmh pour l'instant je rumine sur ma route de m... avec mes potes cornus que l'asphalte ne dérange pas le moins du monde pour tirer d'énormes charrettes sur lesquelles sont perchés paysans et familles.

Ce matin la température a chuté, et le vent est dans mon dos. Ça reposera ma tète de l'insolation d'hier. La Highway monte progressivement mais constamment dans un paysage de... que vous dire... des champs, des champs, des champs... Mêmes scènes qu'hier. Je passe les 2100m d'altitude sans m'en rendre compte. Je suis sur un plateau, la fenaison continue, l'odeur âcre de la fumée me brûle la gorge. Peu de villages, une ville grise et crade traversée, que je n‘aimerais pas vivre ici...



Fenaison et battage des foins



Je m'arrête quand mes cartes françaises indiquent une route qui n'existe pas sur la chinoise. J'atterris dans le pire hôtel depuis mon début de voyage... Je crois que je préférerais dormir dehors sur mon matelas, tellement c'est dégueulasse ! Et en plus je paie 20 yuans pour ça !!! Mais je n'ai pas les mots pour lui dire que c'est trop cher et c'est tellement plus facile de ne pas vouloir me comprendre... à la télé (pas de douche, ni d'eau, un trou nauséabond pour toilettes, mais toujours la sacro-sainte télé !!) je comprends que la flamme olympique est actuellement sur le toit du monde...

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8 mai 2008 4 08 /05 /mai /2008 12:21
Wusha-Luoping, 67.22km.

Réveil à 6h pour voir les paysans qui s'activent déjà dans leurs champs. Il va faire chaud je pense... Le monde rural est ma station météo moi qui n'ouvre pas un journal ni n'allume une télévision (je ne sais alors pas la tragédie de la Birmanie..). De ma fenêtre je vois les écoliers sur le chemin de l'école : il est 6h20 !! Au petit dèj dans un étal de nuit, je fais connaissance de Deng, professeur d'anglais à la middle school de Wusha !



Deng Hongyue, professeur d'anglais



Je crois être dans un petit village, pourtant la middle school accueille 1600 élèves, en internat toujours. Il semble que cela soit une particularité des provinces isolées de Chine à la géographie compliquée.

Deng Hong Yue a deux cours par matinée, les élèves en ont huit par jour. Les sports pratiqués sont essentiellement le basket et le foot, ainsi que le saut à la perche ! Pendant qu'il m'explique le salaire des professeurs payés par le gouvernement local, les 1600 élèves sont dans la cour en train de faire leur gymnastique matinale au son des hauts parleurs.

Je décolle vers 10h30 enfin, mais malgré le beau temps c'est un jour sans : je n'ai pas de jambes ! Beaucoup de vent en contre, je cuits au soleil et souffre chaque kilomètre. J'ai quitté les petites routes pour la redoutable highway 324, deux panneaux indiquent « interdit piétons» et «interdit vélos», mais je ne vais pas revenir en arrière !! Je regarde encore et encore mes cartes. La route est bien là, nationale catégorie highway, 4 voies, un vrai bonheur. Le début de l'enfer ! Au début pourtant, peu de circulation, mais c'est monotone. Je m'ennuie même si je croise piétons, charrettes de boeufs et paysans... À contresens !

À 7 heures et à 10 heures du matin, tous les élèves sont invités à faire leur gymnastique
au son des hauts-parleurs qui leur dictent leurs mouvements


Au péage, la police me fait des grands signes amicaux. Sur le bord des routes, je me jette sur les pastèques, ananas tranchés... fi des recommandations sanitaires. J'ai un graaand problème depuis plusieurs jours : je manque CRUELLEMENT de sucre ! Ah sucres lents, j'en ai mon compte, mais sucre, sucre, chocolat, barres de céréales, mars, abricots secs, que dalle ! J'ai tout essayé... Les fruits secs sont couverts de piments, les raisins secs, verts et au paprika. J'en suis à m'acheter des cochonneries chimiques et ça ne va pas du tout. J'AI BESOIN DE SUCRE... même en morceaux !!

La terre est sèche, archi sèche. Les paysans fanent, battent le foin et mettent la récolte en sac. Puis par charrettes entières, ils rapportent le foin, après avoir mis le feu aux racines. À 16h à Luoping, je m'écroule, épuisée, saoulée de vent et de soleil, comme ivre. Pas eu la force de faire une seule photo sur le trajet ou à main levée, inintéressantes Même la douche froide dans les bains publics ne parviendra pas à faire descendre la température de mon corps. Je frise l'insolation et boit 4 litres d'eau pendant la nuit.

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7 mai 2008 3 07 /05 /mai /2008 12:03
Xingren-Wusha, 80,61 km de soleil. La propriétaire de l'hôtel insiste pour m'accompagner hors de la ville et me mettre sur la route, je la laisse faire, ils sont toujours très préoccupés pour moi.

Est-ce le soleil qui est de retour, tous les paysans sont dans les champs. J'ai enfin la confirmation de ma supposition : ici on est à 1400m d'altitude et le climat ne permet pas de faire plus d'une récolte de riz. Celui-ci a besoin d'eau mais aussi de beaucoup de chaleur. On diversifie alors : riz, avoine, millet, orge... C'est d'ailleurs la saison des foins. Les parcelles sont fauchées à 2 ou à 3 puis le foin est rassemblé en gerbes et mis à sécher plusieurs jours devant les portes des maisons.

Je continue de monter... et me fais doubler par des camions de charbon qui sortent de nulle part. Mais où est la mine ? Au détour d'un virage, je me trouve presque nez à nez avec deux «gueules noires», le blanc de leurs yeux ressemble à deux lumières dans la nuit. Nous sommes chacun ahuris de notre face à face. Ils sont couverts de charbon de la tête aux pieds. Je ne comprends toujours pas d'où ils viennent. Puis le reste du groupe apparaît, des baraquements en hauteur dans un état de délabrement et de crasse indescriptible, des femmes avec bottes et pelles qui discutent vivement, sans doute avec le chef. Je fais diversion un moment, le temps de terminer mon virage a 4.5km/h ! Plus loin, je traverse un village où je vois pour la première fois une fabrique de pâtes artisanales : dans la cour d'une maison, je suis attirée par des cris d'enfants derrière de grandes bâches. La curiosité est plus forte, je passe la tête par un trou et découvre un étendage plus que particulier. Des centaines de milliers de fils... de pâtes sèchent au soleil. Les enfants retournent consciencieusement les pâtes en slalomant entre les paquets.

Les gorges du Maling sont une profonde déception. Pourtant je devrais le savoir maintenant : toute attraction touristique naturelle, mentionnée sur les cartes ou dans les guides, est à proscrire, car massacrée (ok j'y vais un peu fort quoique...). Une gorge... on s' attend à de la nature sauvage, des chutes d'eau, des petites criques. En bonne française je suis en train de penser à notre préservation du patrimoine naturel. Ici descente dans un défilé de camions vers le pont qui enjambe les gorges, poteaux à haute-tension dans tous les sens. Je m'arrête pour regarder. Un sentier balisé, des ponts de singes sur la rivière Maling He et là... une tour de verre, haute comme deux immeubles, avec ascenseur ! je suppose que c'est pour permettre de fournir le minimum d'efforts et de voir les chutes derrière une vitre, c'est vrai, c'est toujours mieux !!! Une nouvelle fois, je passe mon chemin (devant le panneau qui indique l'accès a la gorge, payant bien sûr) et le passe encore a Xingyi, ville grise où je mange de la poussière à gogo.

 

Arrivé sur Xingyi

Après une dernière côte de la mort, le soleil couchant m'accueille à Wusha où une famille de retour des champs m'invite à partager le repas dont je rêvais.

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6 mai 2008 2 06 /05 /mai /2008 15:42
Après avoir été bombardée de photos, je retrouve 7 élèves de Fan Guoju, qui ont la permission de sauter les cours pour passer l'après-midi avec nous. Les filles sont pendues à mes bras, à coups de « I very like you» et me baptisent Kai Li en chinois. Traduction 1er signe : KIND , 2ème : BEAUTIFUL. Je visite les dernières vieilles maisons qui ont résisté aux bulldozers. Mais 300 ans pour la Chine, c'est un détail...

En ballade

Puis direction la campagne aux portes de la ville, dans un village Miao. Ces ados sont touchants, je lis dans leurs yeux leur bonheur d'être avec moi, « ma mère ne me croira pas» me dit l'un d'eux. J'apprends que la majorité d'entre eux sont Buyi. Pas un ne parle sa langue. Mais ils portent les costumes les jours de fête. Difficile de poser des question sur leur tradition du fait de la langue mais aussi parce qu'ils les connaissent peu.

Maison Miao

À l'entrée du village Miao de... je ne saurais vous en dire le nom... je découvre des maisons en briques rouges peintes en blanc. Toutes les toitures ont des cornes aux 4 coins (le buffle représente la force et la protection chez les Miao) et deux lushengs jaunes qui s'entrecroisent au centre.

Repiquage du riz

Je me balade dans les rizières où des femmes à la coiffe noire effrangée et aux grosse boucles d'oreilles d'argent repiquent les semis de riz. D'autres manient le truelle dans le ciment et je comprends très vite qu'elles n'ont pas envie d'être photographiées et je mets l'appareil de côté. Même accueil qu'au Guangxi, sourires et hospitalité.

Broderie de la coiffe Miao - Il faudra un an à cette femme pour
confectionner le trousseau de sa fille


L'une d'elles m'invite à venir voir le trousseau qu'elle est en train de confectionner pour sa fille de 20 ans qui se mariera l'année prochaine. Une année entière lui sera nécessaire pour tout réaliser manuellement, du tissage à la broderie en passant par la teinture. Ses mains sont bleues. BLEU de l'indigo. Je lui demande si sa fille sait broder à son tour. Ici les traditions semblent persister. Les Miao, quelque soit la région où ils se trouvent, ont su encore perpétuer leurs traditions en vivant presque en autarcie totale, dans la crainte des Hans. Cela va-t-il se transmettre encore sur plusieurs générations ou alors la modernité aura-t-elle raison de ce peuple à la mémoire fragilisée par l'absence d'écriture ?

Je m'attarde pour faire des photos mais les ados trépignent d'impatience. Je me rends compte à nouveau combien la photo est un métier solitaire. Impossible d'être deux, alors en groupe... Seul avantage, je les laisse partir devant et ils m'oublient un peu. Suis tellement «dedans» que je manque de me faire croquer par un chien qui monte la garde !

L'emblème du buffle omniprésent

Retour à Xingren où je comprends que ma présence est encore souhaitée au lycée le soir. Je ressors presque sonnée de tant de cris et de photos vers 21h30. Un jeune quitte même la classe pour aller me chercher à manger dans la rue et refusera catégoriquement que je le paie.

Je rentre main dans la main avec la nièce de 10 ans de Fan Guoju (chose rare en chine... à part les tout petits, je ne vois pas tellement de signes d'affection comme nous en avons l'habitude). À la pension familiale un mariage se prépare le lendemain, la cour est pleine d'amis, d'oncles et de tantes... qui vont jouer toute la nuit au Mah jong pour célébrer leurs retrouvailles.
  Visages de Xingren

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6 mai 2008 2 06 /05 /mai /2008 14:59
Xingren Middle school numéro 1, équivalent de notre collège-lycée. Le système scolaire chinois est divisé en 5 parties. 9 années obligatoires : l'école primaire de 6/7ans à 12 ans, puis l'enseignement secondaire ou junior school de de 13 a 15 ans. Jusque là la scolarité est gratuite, mais les livres et cahiers restent à la charge des familles (ce qui explique que certains paysans trop pauvres n'envoient pas leurs enfants à l'école). Après viennent la senior school de 15 à 18 ans puis la high school de 18 à 21 ans. À ce niveau, les frais annuels s'élèvent à 300 yuans par jeune. Le collège (3 ans) ou l'université (4 ans) viennent ensuite et sont réservés aux meilleurs. Plus on monte dans les années d'études, plus les frais de scolarité sont élevés. Du temps de Mao, l'éducation était gratuite, me fait-on remarquer plusieurs fois...

Middle School N°1 - Xingren

À ma grande surprise, aucune autorisation n'est nécessaire pour venir au lycée, je vais circuler à ma guise toute la matinée. Je suis accueillie par les collègues profs d'anglais de Fan Guoju qui me font visiter fièrement les locaux. Comme à Danian, les élèves s'auto-gèrent une fois les heures de classe terminées. Ici la cantine semble bien meilleure : des cuisinières préparent différents plats quotidiens. Des salles de classes d'anglais aux dortoirs, où on me réserve de véritables ovations. L'excitation est à son comble parmi les élèves. J'ai l'impression qu'ils reçoivent la visite de je ne sais quelle star !! Ce sont des cris d'hystérie parmi les filles, aussitôt calmés par un geste du prof. Je découvre des classes de 65 élèves en moyenne, plus de garçons en général. La première est très bavarde et me pose beaucoup de questions sur le pourquoi du comment du voyage. Je suis étonnée de voir que les mêmes questions reviennent de la France à la Chine : un jeune de 16 ans me demande en anglais « mais pourquoi vous ne prenez pas le bus, je ne comprends pas ? », j'ai eu mot pour mot la même question le jour du lancement du projet aux Mureaux ! Ou encore « Si vous ne parlez pas chinois, comment faites vous pour manger (l'obsession ici) et dormir ? », «Vous n'avez pas peur ? ». Lorsque je réponds que personne ne voyage avec moi (la question ne se posait pas : pour eux, le groupe était à l'hôtel. L'individu n'existe pas vraiment en Chine), je déclenche l'émoi général. C'est comme une foule en délire, un même OOOOOOH entonné en choeur, suivi d'un WAAAAOUH et d'une salve d'applaudissements que semble orchestrer le prof puisque d'un geste, les 65 élèves font silence à nouveau.

Cours d'anglais d'une classe de Lycée-Collège

J'apprends à mon tour que les cours commencent tous les jours à 7h du matin et se terminent à 9h du soir, avec deux grandes pauses de 2h30 vers 11h30 et 17h. Sept matières sont obligatoires : chinois, anglais, maths-physique, biologie, géographie, politique et sport. À ma question sur l'intérêt porté aux JO, les réponses sont très mitigées. Ils sont surtout curieux de savoir si j'ai des billets. Les professeurs me confirmeront que rien n'est organisé au niveau régional ou même local. Seul le gouvernement prépare une cérémonie avec banquet, histoire de gaspiller un peu plus l'argent de ces régions pauvres, me dis-je en silence. Je ne sais alors pas que la flamme olympique vient d'arriver sans esclandre a Guangzhou, c'est Kin, mon chinois sud-américain qui me l'apprendra en venant aux nouvelles le lendemain.

Mobile-mania en classe

En dehors de l'école, les garçons sont des fans de basket et de football, de jeux électroniques... Les filles de danse et de shopping. Personne ne me dit «je vais aider ma famille dans les champs» . C'est pourtant le quotidien de tous. 60% des élèves viennent de villages éloignés et sont internes. Lorsque le week-end arrive, ce sont les travaux aux champs qui les attendent et non la console...

Impossible de distinguer les jeunes des minorités ethniques. Comme ailleurs, c'est avant tout la culture Han qu'on inculque. Depuis les années 50, toute région composée de plus de 30% de minorités ethniques a la droit d'être autonome (canton, district, province) et un tiers des emplois des structures administratives est réservé aux membres de cette ethnie. L'enseignement dans les écoles devrait être également fait dans la langue maternelle des ethnies, mais l'application de cette loi est en fait bien différente. À part au Xinjiang et au Tibet (régions les plus réprimées actuellement...), ça n'est pas appliqué. La majorité de ces peuples n'a pas d'écriture, même si des linguistes se sont penchés sur le sujet et en ont créé une ! Au Guangxi, région autonome composée à majorité de Zhuang, l'émission de télévision en langue zhuang a été supprimée il y a peu. Autrefois l'éducation était réservée aux lettrés. Après le passage des examens impériaux, c'était eux qui formaient l'élite dirigeante. Aujourd'hui, c'est sous une autre forme, mais la tradition persiste : le système scolaire et universitaire favorise les Hans.

Des classes de 65 élèves en moyenne

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