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24 mars 2008 1 24 /03 /mars /2008 10:08
Après deux jours de pluie, le voile de polution atmosphérique se dégage et je vois enfin un bout de ciel bleu. Est-ce possible ? Lundi de Pâques, me dit quelqu'un à l'hotel. C'est le bon jour pour vaincre ma peur ! Multi, tout beau tout prêt, car je l'ai remonté la veille, m'attend depuis notre arrivée, relégué dans un cagibi. Plan de la ville en main, portable au fond de la poche (faut pas pousser mémé dans les orties quand même...), casque sur la tête, c'est notre première sortie ! Si le Code Routier est plus ou moins le même dans le monde entier, chaque ville a sa manière de l'adapter et créé ses propres codes qu'il faut apprendre pour pouvoir se faufiler partout. C'est donc le but de ma sortie avec Multi aujourd'hui.

Pouvoir se faufiler partout...

Guangzhou est une ville tentaculaire, construite dans une des régions les plus riches du pays et dont le boom économique ne cesse de s'accroître ainsi que sa taille au détriment du paysage subtropical qui a quasiment disparu sous l'urbanisation à tout va. Une légende raconte que la ville a été fondée par des esprits venus du ciel à dos de chèvre. Située au nord du détroit de la rivière des Perles, tournée vers la mer depuis des siècles, elle a longtemps eu une image rebelle : lieu de diverses rebellions au pouvoir central, naissance du parti communiste et siège des nationalistes. C'est sur ses 800km de côtes que débarquèrent les premiers marchands étrangers. Ainsi commenca la route maritime de la soie, puis s'installèrent des comptoirs commerciaux portugais puis anglais. Aujourd'hui c'est la capitale des usines du monde, une des plaques tournantes de l'import-export mondiale. N'est-ce pas dans cette région du Guangdong que 3 jouets sur 4 au monde sont fabriqués ? Comme 1 télévision sur 4, 1 machine à laver sur 3, etc... Le consumérisme à outrance semble s'être emparé de cette ville où la lumière naturelle fait cruellement défaut face aux dizaines de milliers de néons.

Ce lundi 24 mars donc, je pars à l'assaut de Guangzhou, la chaotique, sur ma vaillante monture prénommée Multi. Bei, Nane, Dong, Xi. Je repère d'abord ma fameuse Fangcun Dadao Lu, celle qui sera ma porte de sortie dans quelques jours. Les rues en Chine sont très longues, pourtant leur nom semble changer tous les 200 mètres. En fait on retrouve souvent une série d'indications, notamment les points cardinaux qui situent les rues l'une par rapport a l'autre. Associé a Zhong (centrale) Huan (circulaire) et à certains chiffre, on obtient par exemple Xisanzhong Nanlu. Qui veut dire ? Ok personne ne suit... Ouest 3ème Route Centrale Sud, et mieux encore partie Sud Ouest de la 3ème Route Centrale. Je fais ma maligne mais je me contenterai de savoir lire un carte, repérer le Bei du Nane et le Dong du Xi, les panneaux étant dans les grandes villes en caractères chinois mais aussi en traduction pinyin (système de transcription du chinois en lettres latines a partir de 1958. Il est très présent dans les villes, beaucoup moins à la campagne. Mais le pinyin requiert également un apprentissage car il ne se prononce pas comme le français. Exemple: c = ts en pinyin ou alors x = s ).

Premiers feux rouges, en bonne conductrice, je m'arrête et me fais doubler, klaxonner (peut-être insulter ?) par des dizaines de vélos, tricycles à moteurs, cyclos-pousse, dont on ne perçoit parfois pas le conducteur caché sous d'innombrables et impensables paquets. Deuxième épreuve : les ponts. Guangzhou étant construit dans le delta de la rivière des Perles, cela signifie qu'il y a des ponts partout qui enjambent des bras de rivière dans tous les sens. Jusque là tout va bien. Mais certains de ces ponts sont des expressways, accessibles uniquement aux véhicules rapiiiiiides. Multi a beau être en super forme, je n'ai pas du tout l'intention de m'y risquer. Sinon ce sont des tunnel pour les voitures et des ferries pour les piétons et vélos. Aux alentours de 13h, j'ai acquis les base de la conduite chinoise a vélo dont la première règle est de faire comme les autres vélos si on veut survivre. Je me faufile à contresens, traverse l'autoroute avec une bonne vingtaine de vélos, certains portant 5 bouteilles de gaz qui tiennent par je ne sais quel miracle. L'union fait la force paraît-il. J'essaie de ne pas penser à ce que je suis en train de faire sinon je risque d'être paralysée au milieu de la route. Sur le bord des routes, tous les 100m on trouve des réparateurs de vélo. Je m'arrête, j'aimerais vous dire que je m'assois pour discuter avec eux... Echange de sourires et de regards. Siesie, merci. Je repars presque à regret.

Réparateur de vélo


L'après-midi se poursuit par la visite des îles de Shamian et Er Sha, la première étant le lieu de l'ancienne concession étrangère (britannique et francaise) acquise suite aux guerres de l'opium en 1859 (ces méchants anglais introduiront cette drogue, venue d'Inde, en Chine. Elle fera des ravages rapidement et provoquera 2 guerres, qui permettront aux marchands occidentaux de s'établir définitivement dans l'Empire du Milieu...). La deuxième étant le lieu de villégiature de chinois expatriés rentrés au pays à la fin du 19ème siècle. Ce sont presque des îlots de silence et de verdure en comparaison du reste de la ville.

À bord d'un ferry


Nouvelle rencontre avec Carrie qui me guide en vélo dans les ruelles de ces îles. Le soir je me laisse tenter par un nouveau resto de cuisine typiquement cantonnaise, accompagnée de Carrie et d'un anglais, professeur d'anglais, typiquement anglais puisque bien que vivant en Chine depuis sept ans, il ne parle pas un mot de chinois. Nous passons d'abord devant des aquariums gigantesques ou barbotent poissons, molusques et crustacés, tortues, serpents d'eau douce et là, on fait notre choix ! Quelques minutes plus tard nous avons devant nous 7 ou 8 plats aux saveurs toutes différentes. J'en perds presque l'usage de mon anglais, very fluent (avec un mot d'espagnol tous les 5 mots) ! Impossible de savoir tous les noms de ce que je mange mais c'est tout simplement EXCELLENT. Je ne suis pas encore passée pro de la baguette, mais j'y travaille. L'avantage, c'est que ca me calme, habituée que je suis à " manger sur une fesse" (visualisez la situation, c'est très parlant... Expression que j'ai entendu si souvent me répéter ma moooooman), sur un coin de table, debout, entre un bus et un train à rater !

Un menu vivant


Puis vient le grand moment de la journée... Celui qui sonnera le glas de ma peur !

Avant le restaurant, j'ai bien tenté de dire a Carrie que je ferais mieux de laisser Multi à l'auberge de jeunesse, mais je me suis laissée convaincre de le garder (grosse erreur... Première règle en voyage : toujours suivre SON instinct, pas celui des autres, aussi bienveillants soient-ils). Il est donc couvé par les regards de 3 gardiens, plus les miens qui se ramènent de temps à autres. Le retour est bien sur facile, selon Carrie (qui ne se déplace jamais à vélo la nuit...) : dzouo, yo, dzouo... Gauche, droite, gauche. Il est 23h15, la nuit a ralenti la frénésie de la circulation. Pourtant, en dessous du fameux tsiao (pont) surélevé a droite, la route ne mène nulle part sauf à un camp de police et le tsiao surélevé c'est un expressway ! J'avise un monsieur. Langage des signes. Je montre mon plan. Il le prend à l'envers me parle pendant dix minutres sans doute parce que je commence à avoir un air chinois. Je fais marche arrière puis prend la première à gauche qui devrait me mener jusqu'au pont... De là, je trouverai peut être un trottoir en sens inverse emprunté par tout le monde. Mais non, le pont est perché dans les airs...

Quand je baisse la tête je suis face à un chantier où s'activent des dizaines d'ouvriers dans la gadoue... Pas de néons ici... Juste un projecteurs qui "allume" les ouvriers... Je suis tentée un moment de m'approcher... Voici les fameux chantiers des mingongs. Mais je me rappelle que je suis quand même un peu... perdue, que je vais attendre pour d'autres expériences nocturnes. A côté 3 jeunes jouent aux cartes. Relangage des signes, tout le monde rigole, des enfants sortent d'une petite maison voisine, une femme au visage tout rond donne des ordres a toute cette petite troupe. Je pige que dalle. Finalement je vais peut-être dormir là... Je me souviens alors que j'ai un portable avec 5 numéros d'amis chinois qui parlent anglais ou espagnol. Commence un long échange entre Wan Qi Wen et un jeune puis Wan Qi Wen et moi, puis à nouveau le jeune et Wan Qi Wen Amélie... Ceci pendant 1h puisque le jeune finit par prendre son vélo pour m'accompagner jusqu'à l'entrée du tunel... interdit !!! Ouf un gardien est là pour m'en barrer l'accès. Il me dit de laisser Multi cadenassé et de prendre un taxi, je refuse : ma relation est déjà passionnelle avec Multi, je ne peux l'abandonner. Je sais ou je suis : un bras de rivière me sépare de l'hôtel mais le service de ferries est terminé, le tunnel interdit... Il ne me reste qu'à refaire les 30km de détour de ce matin. Demande lui juste de me mettre sur la rue Huangsha Dadao Lu, dis-je à Amélie. Aussitôt dit aussitôt fait. Je le remercie et déjà il s'éloigne avec son t-shirt "soleil de France". Je vous épargne le retour fait à toute allure en longeant à contresens une autoroute. J'arrive à l'hotel à presque 3h du matin et ne sait comment remercier Amélie qui m'attend encore.

La nuit est courte, tant d'émotions m'empêchent de dormir. Je repense à cette population de la nuit que j'ai entr'aperçue. Ces ouvriers sur le chantier, ces ombres sous les cartons, dans les recoins : des familles entières vivent dans la rue. Je me dis que la nuit révèle bien évidemment l'envers du décor de cette croissance économique spectaculaire. Que cette Chine des laissés pour compte est aussi celle que je veux découvrir; mais comment l'atteindre ?

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