Donc je suis a Kaili... Petite ville, mais ville quand même. Je dois m'attaquer à la rédaction de ces lignes et sais que j'en ai pour de longueeeees heures. Avant cela direction la gare : pendant les derniers kilomètres parcourus, j'ai refais 10 fois dans ma tête mon itinéraire, calculé les jours, mon départ obligé de Chine pour renouveler mon visa. Le soir j'ai scruté, décortiqué mes cartes pour savoir que faire réellement. Il y a bien cette route plus à l'ouest qui part dans les montagnes dont je rêve... Mais finalement je garde plus ou moins l'itinéraire prévu et décide de rallier Anshun en train depuis Kaili. Je rattraperai un peu mon retard et j'aurai plus de temps ailleurs. J'ai la hantise de devoir courir...
Alors direction la gare. La véritable épreuve en Chine. Se retrouver sur une autoroute à contresens, c'est rien en comparaison. La gare est petite mais grouille de monde. Pas un guichet "étranger". J'en ai pour toute l'après-midi... Il y a là tous les gens qui veulent partir pour le pont du premier mai, plus tous ces migrants que l'on repère facilement. Ils sont assis, le regard fatigué et hagard, un baluchon à côté d'eux. Qu'attendent-ils ?
Je jette mon dévolu sur une jeune qui a une tête à parler anglais (ah c'est beau le délit de gueule..), et bingo, elle me répond avec un grand sourire qu'elle peut m'aider. Je crois que c'est gagné, mais suis loin de connaître le système des réservations chinoises. Au guichet, on m'envoie d'abord vers la salle du transport marchandise... Là on nous dit que oui, c'est possible de voyager avec un vélo. Réponse encore affirmative quand j'insiste en demandant "même le pont du premier mai?". Retour au guichet, où 4 personnes essaient de prendre en même temps que moi un billet car je suis trop lente : 1 par dessus mon épaule, 1 autre en dessous, au dessus de ma tête... Le 4ème me catapulte presque. Le temps presse. la guichetière s'énerve. D'abord il n'y a pas de place en banquette dure (la moins chère), ce cher MEI YO, MEI YO qui résonne sans cesse aux oreilles des étrangers, "y'en a pas". Je me souviens des conseils donnés et bien que ma traductrice chinoise me dise de prendre un autre train, je fais celle qui comprend pas et je demande le train mei yo justement... Et je finis par avoir un billet sur le train voulu ! retour au service marchandise et là, la bonne surprise m'attend ! Demain ? un vélo ? aaah non, mais c'est pas possible, trop de monde. On vous l'expédie plus tard. Les bras m'en tombent. La migraine bat dans mes tempes. Je commence à me dire que je préfère la sirène des bus honnis dans les côtes... Nous bataillons 1/2h. Ma chinoise est toute gênée, moi je ne cède pas d'un pouce. C'est avec Multi ou pas ! Je demande le remboursement du billet... Pas possible... Je l'ai pris il y a 1/2h ! On me rendra finalement 50%. Je sors de la gare, dépitée, bien décidée à ne renouveler l'expérience qu'en cas de force majeure et je me prépare psychologiquement à faire les 300km que je voulais sauter.
Mais déjà, Zhao Ling (c'est son nom..) m'entraîne vers la gare routière... Au secours ! Un chinois ne perd jamais la face, il faut donc arriver au résultat voulu ! On est balancé de guichet en guichet en quai de bus, pour finalement m'entendre dire de revenir demain pour parler avec le chauffeur du bus Kaili-Anshun pour savoir s'il accepte ou non de prendre Multi dans ses soutes le surlendemain ! Le cauchemar est fini... Zhao Ling part le lendemain à Chengdu pour 3 jours, m'invite avec elle, je suis tentée un instant de changer radicalement le cours de ma route mais...
La suite de ma journée et des jours suivant se passe au web bar ou s'agglutinent 200 adolescents attardés qui jouent en réseau à la gueguerre (est-ce qu'on crie quand on joue a ça ??!) en fumant clope sur clope. Je suis au bord de l'asphyxie et craque pour un resto de poisson où un habitant de Shanghai m'invite, heureux de voir que j'aime la cuisine chinoise. Il commande 6 plats différents.
Le lendemain rebelotte, gare routière où le chauffeur me dit "OUIIII, mais reviens demain pour acheter le billet". Va t'il me jouer un tour ou bien ? Ensuite petit tour au marché ou je goûte les spécialités locales, raviolis frits, genre de crêpe au miel, des pommes-de-terre au piment (première fois que je vois des patates en Chine), avant de m'enfermer 48h au cybercafé. Je suis la seule étrangère, la seule à ne pas pousser des cris de guerre, la seule à travailler enfin... J'ai réussi à m'installer près d'une fenêtre pour ne pas être asphyxiée. Vendredi je quitte le café, les "mômes" se sont tus et dorment sur les claviers, il est 5h du matin et je trouve porte close à mon hôtel. Mon bus pour Anshun est dans 4h, ma chambre est sens dessus dessous. Je m'endors contre les grilles...