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2 mai 2008 5 02 /05 /mai /2008 19:06
Kaili, capitale de la culture Miao axée sur le travail de l'argent. Je trouve facilement le CITS (office du tourisme chinois ou je mets les pieds pour la première fois), où contrairement à ce que dit Lonely Planet (décidément, achetez des guides qu'ils disent !), je suis reçue par des gardiennes de prison que je dérange dans leur chat entre copines. Ok j'ai compris, je fais demi-tour et me débrouille. Je trouve une djaodailsouo tout près, 30 yuans/nuit. Les filles de l'accueil me plaisent tout de suite, mortes de rire de me voir seule en vélo. Problème : comment m'enregistrer puisque je n'ai pas de nom chinois et que leur ordinateur est paramétré... chinois. Encore une fois, un chinois malaysien est là, devant l'hôtel... "May I help you?", le tour est joué ! Ma chambre me plaît, c'est bruyant mais lumineux et je peux dormir avec Multi ! Si c'est pas beau ça... Pendant les 3 jours suivants, les filles de l'hôtel sont aux petits soins : on m'apporte des cintres (est-ce la vue du cataclysme dans la chambre...), une serviette (je suis si sale ?), de l'eau chaude pour mon thé toutes les heures, une bassine pour nettoyer Multi...

Ma chambre à Kaili

Donc je suis a Kaili... Petite ville, mais ville quand même. Je dois m'attaquer à la rédaction de ces lignes et sais que j'en ai pour de longueeeees heures. Avant cela direction la gare : pendant les derniers kilomètres parcourus, j'ai refais 10 fois dans ma tête mon itinéraire, calculé les jours, mon départ obligé de Chine pour renouveler mon visa. Le soir j'ai scruté, décortiqué mes cartes pour savoir que faire réellement. Il y a bien cette route plus à l'ouest qui part dans les montagnes dont je rêve... Mais finalement je garde plus ou moins l'itinéraire prévu et décide de rallier Anshun en train depuis Kaili. Je rattraperai un peu mon retard et j'aurai plus de temps ailleurs. J'ai la hantise de devoir courir...

Paysanne à la campagne, cireuse de chaussures à la ville

Alors direction la gare. La véritable épreuve en Chine. Se retrouver sur une autoroute à contresens, c'est rien en comparaison. La gare est petite mais grouille de monde. Pas un guichet "étranger". J'en ai pour toute l'après-midi... Il y a là tous les gens qui veulent partir pour le pont du premier mai, plus tous ces migrants que l'on repère facilement. Ils sont assis, le regard fatigué et hagard, un baluchon à côté d'eux. Qu'attendent-ils ?

Je jette mon dévolu sur une jeune qui a une tête à parler anglais (ah c'est beau le délit de gueule..), et bingo, elle me répond avec un grand sourire qu'elle peut m'aider. Je crois que c'est gagné, mais suis loin de connaître le système des réservations chinoises. Au guichet, on m'envoie d'abord vers la salle du transport marchandise... Là on nous dit que oui, c'est possible de voyager avec un vélo. Réponse encore affirmative quand j'insiste en demandant "même le pont du premier mai?". Retour au guichet, où 4 personnes essaient de prendre en même temps que moi un billet car je suis trop lente : 1 par dessus mon épaule, 1 autre en dessous, au dessus de ma tête... Le 4ème me catapulte presque. Le temps presse. la guichetière s'énerve. D'abord il n'y a pas de place en banquette dure (la moins chère), ce cher MEI YO, MEI YO qui résonne sans cesse aux oreilles des étrangers, "y'en a pas". Je me souviens des conseils donnés et bien que ma traductrice chinoise me dise de prendre un autre train, je fais celle qui comprend pas et je demande le train mei yo justement... Et je finis par avoir un billet sur le train voulu ! retour au service marchandise et là, la bonne surprise m'attend ! Demain ? un vélo ? aaah non, mais c'est pas possible, trop de monde. On vous l'expédie plus tard. Les bras m'en tombent. La migraine bat dans mes tempes. Je commence à me dire que je préfère la sirène des bus honnis dans les côtes... Nous bataillons 1/2h. Ma chinoise est toute gênée, moi je ne cède pas d'un pouce. C'est avec Multi ou pas ! Je demande le remboursement du billet... Pas possible... Je l'ai pris il y a 1/2h ! On me rendra finalement 50%. Je sors de la gare, dépitée, bien décidée à ne renouveler l'expérience qu'en cas de force majeure et je me prépare psychologiquement à faire les 300km que je voulais sauter.

Mais déjà, Zhao Ling (c'est son nom..) m'entraîne vers la gare routière... Au secours ! Un chinois ne perd jamais la face, il faut donc arriver au résultat voulu ! On est balancé de guichet en guichet en quai de bus, pour finalement m'entendre dire de revenir demain pour parler avec le chauffeur du bus Kaili-Anshun pour savoir s'il accepte ou non de prendre Multi dans ses soutes le surlendemain ! Le cauchemar est fini... Zhao Ling part le lendemain à Chengdu pour 3 jours, m'invite avec elle, je suis tentée un instant de changer radicalement le cours de ma route mais...

Beignets de pommes-de-terre pimentées sur le marché de Kaili

La suite de ma journée et des jours suivant se passe au web bar ou s'agglutinent 200 adolescents attardés qui jouent en réseau à la gueguerre (est-ce qu'on crie quand on joue a ça ??!) en fumant clope sur clope. Je suis au bord de l'asphyxie et craque pour un resto de poisson où un habitant de Shanghai m'invite, heureux de voir que j'aime la cuisine chinoise. Il commande 6 plats différents.

Le lendemain rebelotte, gare routière où le chauffeur me dit "OUIIII, mais reviens demain pour acheter le billet". Va t'il me jouer un tour ou bien ? Ensuite petit tour au marché ou je goûte les spécialités locales, raviolis frits, genre de crêpe au miel, des pommes-de-terre au piment (première fois que je vois des patates en Chine), avant de m'enfermer 48h au cybercafé. Je suis la seule étrangère, la seule à ne pas pousser des cris de guerre, la seule à travailler enfin... J'ai réussi à m'installer près d'une fenêtre pour ne pas être asphyxiée. Vendredi je quitte le café, les "mômes" se sont tus et dorment sur les claviers, il est 5h du matin et je trouve porte close à mon hôtel. Mon bus pour Anshun est dans 4h, ma chambre est sens dessus dessous. Je m'endors contre les grilles...

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29 avril 2008 2 29 /04 /avril /2008 18:54
Aujourdhui m'attend le plus dur et je ne vais faire que moooonter. On m'a prévenue hier soir, je ne serais qu'à Leishan ce soir (à 50km), alors que je voudrais arriver à... Kaili, capitale de la culture Miao. Il est 6h, je suis réveillée par la rue qui s'anime de bonne heure, les klaxons qui reprennent du service et les cris des enfants qui mangent leur bol de pâtes en face, avant d'aller a l'école. Serais-je sur Multi à 9h ? rien n'est moins sûr... Ce matin , mon petit dej traditionnel, soupe de pâtes aux légumes et viande (si elle m'inspire) m'arrache littéralement la bouche. J'ai détourné un instant le regard de la louche du bouillon de piment... trop tard ! En 5mn je suis en feu!

Les terrasses de Kai Tun

Sur les 12 premiers km, je passe de 559m d'altitude à 1200m. Après la mise en route toujours un peu douloureuse où il faut chauffer la bête... la machine (qui est quoi?!), je trouve mon rythme malgré cette même douleur dans le tibias droit et cale mon souffle. J'aimerais même ne pas m'arrêter. S'il faut monter, montons! Je passe les terrasses de Kai Tun, vue splendide même si la visibilité n'est pas top. Je suis seule au monde. Presque. Puis descente sur un village, jour de marché a nouveau, je dois descendre de vélo car on ne peut pas avancer, aussi parce que je suis l'attraction numéro 1. Difficile voir impossible de faire des photos, il faudrait poser Multi, enlever le casque qui fait se tordre de rire les femmes Miao aux coiffures extraordinaires. Celles-ci ont des fleurs et de la laine torsadées dans leurs chevelures. Ensuite par quels miracle et mouvement forment-elles ces huit au sommet de leur tête, je ne saurais dire... Elles accrochent le tout avec un peigne coloré et un autre en " argent". Les femmes Dong, elles, ont le chignon plus petit, porté très haut, entouré de fleurs artificielles. Tout est couleur. De leurs tenues aux étals des vendeurs. Je m'arrête et regarde mais impossible tout le monde ME regarde. Aucune photo des Miaos de cette région. Je remarque que les hommes portent très souvent le costume et la veste Mao, les femmes Miao possèdent aussi une veste Mao, colorée et brodée, un pantalon noir par dessus lequel 2 pans de jupe fendue brodés et colorés également.

Jour de marché

Je redescends à 700m, mais c'est pour mieux monter, mon enfant ! Je vais bientôt toucher du regard le sommet du Leigong Shan. Avant la ville de Datang, mon altimètre m'annonce 1364 au col venteux sans nom... À cette altitude, beaucoup moins de rizières. Je croise un ermite qui vit dans une cabane. Regard ahuri. Suis je tombée de la lune ? Un peu plus loin, un couple en moto avec leur petite fille de 3 ans, tous les trois sans casque il va sans dire, m'arrête pour prendre une photo. L'arroseur arrosé. Tout le long de la montée, j'ai droit aux klaxons de bus. moto, chauffeur de touktouk. Parfois c'est pour avertir dans une épingle à cheveux, parfois pour me faire signe. Un geste sympa. Ils sont loin de savoir que je préfère le pousse levé, un grand "allo", à leurs sirènes de bateau, qui manquent de me faire basculer dans le vide. Le pire, c'est la fanfare des bus "bleus". Ceux-là, je les prends particulièrement en aversion et dès que je les vois dans mon rétro après les avoir entendu depuis 5mn (imaginez ce que peuvent être 5mn de klaxon continu en montagne... un vrai supplice chinois !), je me mets au milieu de la route, pour les faire ralentir. Ils roulent comme des tarés !

La descente sur Leishan est plus douce, de nombreux villages Miao. je voudrais m'arrêter, peut-être trouver où dormir, mais la perspective de devoir fournir un effort encore pour me faire comprendre est au-dessus des forces qui me restent. Les femmes sont moins souriantes mais les hommes le sont pour 10 ! À chaque fois on me félicite. Les quelques côtes, ces mini côtes dont on ne sait même pas pourquoi elles existent, terminent de me couper les jambes.

Arrivée à Leishan, je passe mon chemin tellement c'est laid. Des constructions anarchiques dans tous les sens, les femmes remplissant toujours les travaux de chantiers les plus pénibles. Ici, c'est sûr, la femme est l'égal de l'homme ! Maçonnerie, portage de l'eau, de ciment à la palanche, montagnes de briques que l'on déplace sur des centaines de mètres. Je ne peux pas photographier. Je ne suis qu'une passante, je ne peux dire un mot ou presque et je SENS que ce travail est leur seul moyen de survie, jamais un choix. Mais qui a le choix ici ?

Je m'écroule à 11km de Kaili, après 90km. C'est tout juste si l'hôtelier ne m'aide pas à descendre de Multi. J'ai les quadriceps en feu, le c... en marmelade et plus de sensibilité dans le bout des doigts. MANGER ! Je les laisse décider pour moi, la femme du patron me masse les épaules pendant que la salle du resto se remplit. Je me rends compte au fil des jours que je suis la meilleure publicité qui existe pour les patrons de resto... Si j'avise une cantine vide, dans les 10mn, on peut me payer à manger, car les gens accourent, faim ou curiosité, ce n'est pas difficile de deviner...

Lushengs (orgues à bouche en bambou, de tradition Miao) au repos


Je m'endors au son de ce que je crois être des lushengs... Enfin de quelqu'un qui apprend, car c'est plutôt insupportable, faut bien le dire !

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28 avril 2008 1 28 /04 /avril /2008 18:31
Rongjiang -Yongle 78.22km.

Alors que je me prépare à partir tôt (9h!), Panli vient me proposer de passer la journée avec elle. Je suis son invitée pour elle et sa mère. Qu'il est difficile de refuser devant cette hospitalité... Je décline pourtant son invitation mais traînaille dans la ville avec elle. Pan Li me parle de son lycée où elle est interne pendant la semaine, de sa volonté de devenir médecin. Elle a 18 ans, son frère aîné 20. Sa famille est Dong (j'en étais sûre... ces visages familiers), complètement sinisée, elle ne parle pas sa langue maternelle. Je m'aperçois qu'elle se débrouille très bien en anglais comparée à ses "schoolmates" que l'on croise dans les rues. Je m'achète une nouvelle carte du Guizhou plus détaillée (l'épisode d'hier m'a passablement énervée) et m'aperçois que Leishan où je pensais être ce soir, est à 130km et que ce n'est que de la montée qui m'attend !! Au moment de régler la chambre, PanLi me dit que je suis leur amie, leur invitée et refusera au nom de sa mère que je la paie !!



Pan Li et sa mère



Il fait à nouveau très beau et chaud, je retrouve la route 208 vers 11h45 et tout de suite me sens bien. La forêt est beaucoup plus dense, on voit comment la montagne a été déboisée puis sculptée en terrasses. Ma carte est bonne cette fois et je suis au mètre près les villages que je traverse. Cette rivière à l'eau claire et verte en contrebas me démange. Vers 14h, je fais ni 1 ni 2, mets les pieds dans l'eau... Puis 1 coup d'oeil à droite à gauche et je plonge en culotte et soustif ! Le bonheur tient dans si peu de choses... Il y a bien ce paysan assis au bord de la route, qui n'en perd pas une miette, mais je ne me sens pas du tout en train de faire quelque chose contre la morale de ce pays, vu que l'intimité et la pudeur ici ne situent pas du tout au même endroit que chez nous. Je verrai bien quelques heures plus tard un paysan labourer en marcel et en slip, me faire un grand signe de la main. J'imagine un paysan de Haute Loire dans cette tenue et me marre toute seule.

Une rivière tentante

Cette baignade improvisée me booste mais nouvel arrêt 2 km plus loin : bruits de pétards, cris, son d'un tambour. Sur l'autre rive le village est rassemblé et une cérémonie étrange touche à sa fin. Des paysans présentent à tour de rôle leur buffle, au préalable baigné dans la rivière. On projette des pétards sur l'animal qui ne bronche pas et au suivant ! Et que vois-je ? des hommes à l'eau, en slip, en train de se baigner ! Mon intuition m'a donc bien guidée, elle a quelque chose de spécial cette rivière !! On vient me voir, regarder mes cartes mais impossible de savoir ce qu'il se passe. Un peu plus loin, un groupe joue aux cartes assit au bord de la route. Je vois également des bouteilles d'alcool de riz, 2 lusheng, l'orgue en bambou emblématique du peuple Miao que l'on ne sort que pour les grandes occasions. Je passe ma route... à contre-coeur. Avancer toujours.

Ensuite, c'est l'arrêt "accident", un car a raté son virage et a le cul dans le champ du voisin. C'est l'attroupement et l'embouteillage en pleine campagne. Je photographie et repars en jubilant, moi avec Multi, libres comme l'air... C'est le cinquième accident que je vois depuis mon départ. La conduite des bus est tout simplement terrifiante. En plus d'utiliser le klaxon en continu, ils doublent sur 3 files quand la route n'a que 2 voies...

Retour de marché

À Pingyong, c'est jour de marché, enfin c'est plutôt la fin du marché. Je le comprends avant d'entrer dans le village car je croise sur le bord de la route des femmes Dong, les plus joliment habillées que j'ai vu jusqu'ici. Ce n'est pas jour de fête mais elles portent toutes des palanches à moitié vides... aah c'est donc le retour du marché ! La coutume est de mettre ses plus beaux atours pour aller à la ville...

Après Pingyong, je quitte la rivière qui se perd dans la montagne et le paysage change; ça monte sec ! Je vois s'éloigner Leishan (où je voulais utopiquement arriver aujourd'hui... Mais il y a toujours une montée de 2-3h en fin de journée qui me prend de cours, alors qu'il est déjà 17h30, et en plus je m'arrête pour photographier un marchand de bois et ses hommes qui chargent à dos nus des troncs énoooooooormes. On m'invite à m'asseoir, je sens les plaisanteries grivoises...



Exploitation du bois



Après le village de Tashi, je décide de mettre un terme à ma journée : il est 19h, je ressens une douleur au tibia droit que je ne m'explique pas.

Yongle semble être une immense cours de récréation. J'arrive au moment où les cours du soir reprennent. La musique est lancée en guise de cloche et les jeunes dévalent les rues pour ne pas arriver en retard.

Je trouve le seul hôtel, à la barrière d'escalier couleur or. 20h, le village est plongé dans le noir, tout le monde a mangé mais mon bonheur m'attend en face de l'hôtel : du riz avec plein de légumes, tofu fumé, viande cuite au wok. J'en ai rêvé toute la journée ! Je fais comme les autres clients, j'ouvre le frigo (chose rare dans la rue...) et montre du doigt ce que je veux. Des camionneurs s'arrêtent. Finalement, même si on ne fait pas le même métier, on est un peu pareil. Sur la route. Des "routiers", en témoigne la couleur de nos mains. Du cambouis incrusté sous chaque ongle. Ils engloutissent 5 plats, 5 bols de riz chacun quand je n'en suis qu'au premier et m'invitent à partager leur repas.

Un village Dong qui ressemble à une cour de récréation (enfants devant l'Opéra)

Tout le monde est assis à la même table sur ces petits tabourets en bois, taille maison de poupée (qui me font mal aujourd'hui : depuis 2 jours, mes os des fesses rencontrent le haut de ma selle et ça ne va plus du tout. Allez comprendre... Je perds mon rembourrage au fil des kilomètres !). L'alcool de riz qu'ils me servent me monte droit au cerveau et je pense m'endormir sur la table...

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27 avril 2008 7 27 /04 /avril /2008 18:16
Congjiang- Rongjiang, 88,32 km. réveil à 5h30 sous la pluie. Si je suis heureuse d'avoir fait la piste hier soir pour épargner Multi de la gadoue certaine d'aujourd'hui, mes espoirs d'aller a Basha, village Miao où les hommes portent encore la tenue traditionnelle et le chignon haut sur le devant de la tête, s'envolent. Il pleut à verse. Que faire ? Hier je pestais contre la poussière, aujourd'hui c'est la pluie. Le Guizhou m'apparaît enfin sous son vrai visage : 300 jours de pluie par an !

Les "Sapins des 18 ans", leur âge adulte

Pendant 80km je longe a nouveau le Duliu Jang. Les mêmes villages qu'hier. Cette région me semble plus montagneuse. toujours des rizières mais surtout beaucoup de sapins, des forêts entières. Je vais également croiser des femmes avec de nouvelles tenues colorées. Je pense que c'est une autre branche du peuple Miao. Elles portent les mêmes jambières, une veste et un tablier indigo. Leur coiffure est moins volumineuse que celle du côté de Danian et leur costume un peu moins coloré. En revanche elles portent la jupe plissée, appelée "jupe aux 100 plis". Les sourires se font plus rares. La route est belle mais monotone.

Passera, passera pas ?

J'entre à Rongjiang après 11km parcourus de plus que ne l'indiquait la carte. Je ne suis que FAIM et FATIGUE et je vais galérer comme jamais pour trouver un hôtel qui veuille de moi. Mais je pue ou quoi ?? 4 djaodailsouo me renvoient vers des hôtels plus chers. Mais je n'en veux pas moi ! C'est pas une nuit à 150 yuan sur tapis rococo que je veux, juste un lit a 10-15 yuan dans un hôtel bruuuuuyant au possible. Je perds patience. Finalement, l'histoire se répète, une jeune fille me conduit vers un hôtel pienne yi (bon marche), non sans avoir fait le traditionnel détour par le bel hôtel ou je dis non non non... Je peux enfin me poser chez 2 femmes aux visages familiers. Elles ont une boutique de matériels scolaires. Très vite, PanLi, la fille de 18 ans accourt, prévenue par son frère qu'une laowai est descendue chez eux !! Elle me regarde dévorer un repas de légumes que je plonge moi-même dans une marmite de bouillon brûlant. Je crois qu'elle est sidérée par tout ce que je mange et de mon bonheur de trouver un tube de lait concentré dans le supermarché du coin.

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26 avril 2008 6 26 /04 /avril /2008 17:03
Enfin, vers midi, je m'ébroue et entame la descente vers Congjiang. Les premiers villages sont encore en bois, tous avec leur tour du tambour, mais bientôt la brique rouge refait son apparition et les murs des maisons sont placardés de publicités. Je pédale au milieu des rizières, le soleil tape et je vide mes bouteilles d'eau l'une après l'autre. Lipi, ShangPiLin, Xian (tour du tambour de 13 étages), Gantian, Longtu, autant de noms de villages qui n'existent ni sur ma carte française, ni sur ma carte chinoise. Après Guandong, j'arrive à un croisement : d'un côté la province du Guangxi (Fulu, Danian...), de l'autre le Guizhou. La boucle est bouclée. Je prends alors la nationale terreuse 321 (Lonely planet, le guide de 1000 pages et 2 tonnes que je me galère à transporter, explique en long et en large comment la route a été refaite !!!!!!!!!!!!!!!!!). Ça sera 45km de tape-cul et de poussière jusqu'à Congjiang.

Les villages se gagnent en sampan

Je dois être grise comme les herbes du bord de la route. Je longe les eaux chargées du Duliu Jiang et ne peux m'empêcher encore et encore de penser à Tortel, ce petit village de Patagonie chilienne ou j'ai passé de longs mois il y a quelques années. Sur l'autre rive, des villages Dong se succèdent : pas de pont pour traverser, mais des petits sampans ça et là. Sur les berges, des troncs d'arbres s'amoncellent. Comment s'effectue le transport des grumes ? En radeau sur la rivière ou bien sont-ils chargés sur un plus gros bateau ? J'ai peine à le croire...


Alors que j'entre dans un village coupé en 2 par la route poussiéreuse, j'assiste a une scène dont je rêvais... 50 hommes (je les compterais 1 par 1 plusieurs fois !!) sont perchés en l'air sur un puzzle de bois géant. Ils sont en train de lever la face gauche de la charpente d'une maison. Je m'arrête et reste scotchée (c'est le cas de le dire) au spectacle qui s'offre devant moi. Pas un clou, tous les morceaux (troncs énormes de plus de 20 mètres de haut) s'emboîtent dans des trous savamment calculés. Même les cordes, qui permettent à une quinzaine d'hommes de faire contrepoids, sont en écorce de bambou !! C'est tout simplement fascinant.

J'ai une ribambelle de gamins autour de moi pendant que j'observe de loin puis de plus en plus près ce ballet aérien d'un nouveau genre... et que le reste du village ausculte Multi et me regarde sous toutes les coutures (mais qu'est ce qu'elle fout là celle-la depuis deux heures ?!!). Les bus passent à toute berzingue dans un nuage de poussière, manquant d'écraser une poule ou un enfant à chaque fois et transformant Multi en bonhomme de neige gris. À partir de 17h, je regarde ma montre en me disant que la route est encore longue, mais je n'arrive pas à décoller. J'ai devant moi les maîtres architectes Dong à l'oeuvre. Je n'arrive pas à savoir qui est le chef, pour qui est la maison... Aah si j'avais la PAROOOOOLE (je saoulerais tout le monde de questions, dirait Penso Positivo rencontré à Guilin..) !! Sont mélangés vieux et jeunes, ces derniers grimpant aux piliers centraux comme à des mats de cocagne. De toute évidence, toute une partie du village est là et c'est l'entraide pour la construction de chaque maison. Une fois la charpente et l'escalier principal mis en place,on réalise la toiture, puis, bien souvent la construction des étages et des cloisons peut prendre plusieurs mois, voir des années. Cela dépend des moyens de chacun. C'est pour cela que je vois des maisons toutes nues dans de nombreux villages. Vers 18h30, après avoir en vain tenté de demander si je pouvais loger chez quelqu'un (on m'avait invité pour le coup à boire qui scelle le dernier coup de masse, je ne voulais pas rater ça !!)... J'ai ma tente... Une toute toute petite place...


Les limites de la communication se font sentir... Je reprends la route. Le soleil a fortement décliné et j'ai encore bien 2h30 devant moi... Je ne sais pas si c'est le coucher de soleil mais j'ai l'impression d'avoir mis le turbo. Dans les villages suivant, même chose, on me dit que seulement à Congjiang je trouverais un hôtel. Je ne sais pas si les gens n'osent pas ou s'ils pensent que j'ai besoin d'un hôtel digne de ce nom... Je vois même une place pour ma tente sur le bord de la rivière, mais la proximité des rizières me dit que le sol est détrempé, et puis je crève la dalle avec mes 3 bananes dans le bide.


J'arrive enfin à Congjiang vers 20h30. Crevée des secousses de la piste "nationale" , je me jette sur la première gargote pour manger. Mauvais choix : soupe de pattes sans goût, dans un endroit crade à souhait. Mais vu que je suis grise et les mains noires de cambouis, je ne dois pas beaucoup dépareiller... Quelle sensation étrange d'être sur cette route aveuglée par les phares des bus, entre rivières et rizières et tout d'un coup, le goudron, des lampadaires, des immeubles sortis de nulle part.

J'atterris ensuite dans une djaodailsouo, aidée d'un jeune qui veut parler anglais. La patronne ne me jette pas un regard mais aboie sur cet adolescent qui fait tout pour m'aider. Mmmmh je sens mes nerfs qui font des noeuds... Finalement, une bonne douche, un lit correct, le tout pour 3 euros ( repas compris). Pourtant comme d'habitude, je ressors m'acheter des cochonneries pour combler mon hypoglycémie chronique. Non il faut vraiment que je mange 3 repas...

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26 avril 2008 6 26 /04 /avril /2008 13:34
Je traverse le bourg de Fulu, haut-lieu de fêtes Miao et Dong. J'ai à peine enfourché Multi que je repense à m'arrêter dans sa rue principale si animée... Je ne vais jamais décoller !! Les rues sont un amalgame de boue et de pierres et je me fais un peu de souci : je n'ai pas nettoyé Multi qui s'encrasse gentiment mais sûrement.

Je prends l'embranchement pour les villages Dong de Diping, Long e, Zhaoxing. A peine entrée en pays Guizhou que c'est le grand soleil dans cette province où "il n'y a pas 3 arpents de terre plate, 3 jours sans pluie et 3 sous dans la poche des habitants". Premier jour de graaaaand soleil, ça se fête et ça me donne des ailes. Ici c'est le fief des Dong, si l'on peut dire. Je découvre mes premiers Ponts du vent et de la pluie et Tours du tambour, symboles de l'architecture Dong, maîtres en la matière. J'ai quitté la nationale défoncée, pour une route plus petite mais goudronnée. Je serpente à travers les rizières en longeant une rivière.

Roues à aubes pour l'irrigation

Encore une fois, il faudrait s'arrêter à chaque geste, chaque sourire. Comme le "bonjour" n'existe pas chez ces peuples, mais qu'il est remplacé par une phrase de circonstance suivant la situation, je suppose qu'on me demande "d'où tu viens, où tu vas?" et répond invariablement "Zhaoxing". Après le village de Long e, la route s'élève dans les montagnes (pas du tout prévu sur ma carte ça !!) aux reliefs sculptés de terrasses. Je vais passer de 400m d'altitude a 1000m en deux heures dans un paysage merveilleux alors que la lumière baisse. Je n'ai rien mangé à midi à part ma barre de céréales et je sens mon estomac qui crie famine. Rien ne m'indiquait une arrivée si dure et si belle à la fois. Mon compteur me lâche à cinq minutes du col.

La descente sur Zhaoxing

Puis c'est la descente vers le village de Zhaoxing. C'est l'heure du retour des champs. Toutes les générations sont là, palanche chargée sur l'épaule. L'entrée par la grande porte de Zhaoxing se fait au milieu des buffles, charrettes de bois, taxis-motos et enfants qui courent. Il est 19h. je trouve facilement un hôtel et découvre un village bien "attaqué" par le tourisme, mais sans avoir perdu son charme. Bien sûr les 10 tours du tambour qui s'illuminent de guirlandes me donneraient presque envie de pleurer, mais la population locale est bien là, garante des traditions. Authentiques femmes Dong toutes de noire vêtues et leurs petits chignons sur le haut de la tête. Dans la soirée, j'assiste au détour d'une ruelle à la répétition de chants polyphoniques, hommes et femmes en costumes traditionnels. Je me doute bien que c'est purement touristique, il n'empêche, c'est somptueux. Je reste tapi dans l'ombre à écouter, avec des enfants qui courent dans tous les sens et une femme qui bat son tissu indigo en cadence (tous les costumes des minorités du sud-ouest de la Chine sont teintés d'indigo, plus ou moins profond, selon différentes méthodes).

Tour du tambour et pont de la pluie et du vent - Séchage des tissus indigo

Les Dong, maîtres architectes, sont surnommés l'Océan des chansons, réputés pour leurs chants, présents à tout moment : arrivée d'un visiteur, départ, mariage, funérailles. On me raconte qu'autrefois les jeunes filles dressaient des barricades d'objets à l'entrée des village. Pour en obtenir l'accès, les garçons devaient chanter en tentant de les seduire, jusqu'à ce que plus un objet n'obstrue le passage. Ces traditions tendent à se perdre, et les techniques de séduction se banalisent tristement (dit Camille, qui imagine des dizaines de Cyranos chanteurs à l'entrée des villages...).

 

Dans les ruelles de Zhaoxing


Le lendemain je suis debout aux aurore pour profiter du village qui se réveille et des touristes qui dorment. J'ai passé une nuit tip-top dans un hôtel à l'odeur de bois des "pieds à la tête", un lit blanc comme neige, le tout pour 30 yuans. Je traîne dans les ruelles et regarde les marchands s'installer. Ici c'est un camion de bois qu'on décharge pendant que des femmes s'activent à rincer leur tissu indigo dans la rivière qui parcoure le village.

Rinçage de tissu indigo au petit matin

Mon sarwell rouge fait toujours autant d'effet et me permet d'entrer en contact avec des vielles dames qui prennent le soleil matinal : elles l'auscultent de long en large, puis en travers, me touchent dans tous les sens, devrais-je dire... Je me mets à écrire au soleil, c'est l'attroupement assuré. Puis c'est l'école et une nouvelle Tour du tambour. Toutes ces constructions tiennent sans un clou, seulement avec des rivets en bois.

Femmes Dong

Après mon petit déjeuner dans un étal de nouilles, la jeune femme de l'hôtel me dit que "20 yuans is enough for you" ("20 yuans ça sera assez pour vous"). Je la remercie et lui donne les 30 prévus. Même dans un village touristique, les habitants ont sût garder leur qualité d'accueil et leur sens de l'hospitalité, preuve que cela fait vraiment partie de leur identité...

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25 avril 2008 5 25 /04 /avril /2008 17:20
Sur les berges du fleuve, je tombe sur un marché à bestiaux et là, en digne fille de mon père (qui peut être fier de m'avoir emmenée à toutes les foires de France et de Navarre enfant...), je vais rester deux heures au milieu de ces paysans chinois et de leurs bêtes.


Au début je pose Multi chargé un peu à l'extérieur et observe de loin. Puis c'est la tactique d'approche 1,2,3 Soleil que les chinois m'ont eux-même apprise (on n'est pas en Chine Camille ici...) : j'avance progressivement, tantôt je m'accroupis pour passer inaperçue (blonde au milieu d'une foule exclusivement masculine, c'est sûr...) et ça marche. Bientôt j'assiste à la vente d'un jeune buffle (je commençais à me demander si c'était juste pour faire beau...).


Je suis au coeur de la vente, vrai de vrai !!! Je suis transparente, ma présence ne gène personne (me suis-je convaincue à grands coups de "vas-y !"). Un vieux sort d'un sac en plastique sa liasse de billets de 100 yuans. Le ballet de billets rouges commence : d'abord il les tend un à un au vendeur. J'essaie de compter en prenant des photos mais je perds le fil... Environ 3000 yuans. Ensuite le vendeur recompte chaque billet, puis les observe à la lumière un à un pour voir si ce ne sont pas des faux. C'est fait, la vente est conclue, le vieux repart avec le buffle et moi avec Multi. Chacun sa bête.


Quatre styles différents mais bien représentatifs des chaussures portées
dans les campagnes chinoises.


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25 avril 2008 5 25 /04 /avril /2008 14:28

Et je reprends la route... Enfin, faute de route, puisqu'on est en bout de piste, je prends un sampan, enfin... Nous prenons, Multi et moi, une petite barque chinoise au toit tissé de bambou pour descendre la rivière Danian en direction de Fulu.


Souvenir souvenir. Autre lieu, autre peuple. Pourtant les gestes sont les mêmes, les rires francs et de tout instant. De la Patagonie chilienne aux montagnes Miao, je ne peux m'empêcher de penser au rio Baker et aux lanchas que j'ai prises des dizaines et des dizaines de fois avant l'arrivée de La route à Tortel.


Ici aussi nous nous arrêtons sur les berges pour prendre des paysans Miao qui vont au marché de Fulu. D'où ils descendent, difficile de savoir. Je ne vois que montagnes et forêts de sapins de Chine. Autres visages mais j'en suis sûre, presque les mêmes conversations.


Le capitaine fume une pipe de bambou, qu'il remplit de feuilles de tabac séchées. De temps à autres son second donne un coup de perche de bambou pour rectifier le cours du sampan, éviter un caillou. Peu avant l'arrivée à Fulu, les eaux claires de la rivière Danian se mélangent aux eaux boueuses du fleuve Duliu Jiang.


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23 avril 2008 3 23 /04 /avril /2008 23:32
De retour à Danian, nous allons visiter le collège et l'internat des filles, financé par Couleurs de Chine. Là encore, je m'attarde au milieu des jeunes filles et croise des visages rencontrés dans les rizières. Les jeunes des villages Miao voisins sont pensionnaires du lundi au vendredi. Avant l'arrivée de couleur de Chine, il n'existait qu'un internat masculin puisque seuls les garçons allaient à l'école.

Les adolescentes gèrent elles-même l'internat

L'internat est auto-géré par ces adolescentes et adolescents. Pas d'adultes pour les encadrer. Après les cours, c'est la distribution d'un bol de riz, leur seul dîner, qu'ils complètent par des légumes acides préparés chez eux et conservés dans des bocaux en plastique rangés sur l'unique table de chaque dortoir. Sur cette table, également, les verres et les brosses à dents de chaque jeune fille, leurs effets personnels sont posés sur leurs lits, les vêtements sèchent aux fenêtres. Les cours reprennent de 19h à 21h.

Dans les dortoirs

Passée la première surprise, je me dis que ce n'est pas du tout une mauvaise idée et que cela augmente leurs chances de réussite plutôt que de les laisser seuls et désœuvrés. Couleurs de Chine aide également les quelques 50 jeunes qui ont atteint le niveau universitaire. Le problème étant de les faire revenir au pays ensuite car les postes qu'on leur propose peuvent être à l'autre bout du pays...



Jeudi je reste à travailler sur mes photos dans la grande maison de Françoise et ne décolle pas mon nez de l'ordinateur... C'est une habitude ! Vendredi je retrouve Multi rangé au placard depuis dix jours. Même à regret de quitter ces populations si attachantes, il est temps que je mette les voiles.

 

 


Pour plus d'informations sur Couleurs de Chine, un site : "www.couleursdechine.org".

Bibliographie : "Au coeur de la Chine, une française en pays Miao" et "Les minorités du sud de la Chine", également de Françoise Grenot-Wang. Une mine d'informations !

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23 avril 2008 3 23 /04 /avril /2008 23:09
Le lendemain matin, alors que je regarde les rituels du chaman à qui l'on est venu demander conseil, je me dis intérieurement que je resterais bien un mois dans ce village, enfin... Un long moment.

Livre de divination du chamane

Laissez moi là, je redescendrai seule... plus tard. Mais je n'en ferai rien. Est ce seulement possible ? Je sais que je pourrais rester vivre parmi ces gens, découvrir et connaître leur culture, apprendre entre gestes et regards. Mais l'accepteraient-ils ? Et au nom de quoi d'ailleurs ?...

Cela sera pour une autre fois... Ici ou ailleurs... Mais j'emporte ce petit village au sommet des montagnes dans mon coeur.

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