Arrivées à Dazui, un groupe de femmes Mosuo est assis au bord du lac. J'ai expliqué à Cristina que je m'arrêtais à chaque personne croisée, essayais de communiquer avec elle avec plus ou moins de réussite à chaque fois. Je descends donc de Multi et m'approche d'elles. Une très jeune femme donne à téter à son bébé pendant que son premier enfant, un garçon de 3, 4 ans joue immédiatement avec nous. Je reste 45 minutes accroupie à dialoguer comme je peux avec ces femmes, pendant que Cristina à l'écart réfléchis déjà à comment gagner l'île aux oiseaux à la nage.
Les hommes, même jeunes, semblent toujours en retrait J'avise un jeune homme et lui demande s'il peut emmener Cristina en barque, elle reviendra à la nage. La suite est géniale : il alerte d'autres femmes qui comprennent aussitôt la demande et embarquent Cristina pendant que je reste à terre. Visiblement ce n'est pas du tout son boulot à lui et je découvre peu a peu comment ces femmes mènent la barque au propre comme au figuré ! Arrive alors une femme à la voix grave. Elle chante des sutras au milieu d'éclats de rire et porte un drapeau bouddhiste. Nos regards se croisent, son charisme est perceptible à des kilomètres et finalement je saute dans la barque avec Cristina, notre capitaine féminine et cette femme, que je nommerai la chef du village.
Drapeau boudhiste qui devra être planté dans le Lubao au sommet de l'île aux oiseaux Au sommet de l'île, nous assistons à la cérémonie des lubao : ces piles de pierres amoncelées en forme de pyramide et plantées de drapeaux bouddhistes à chaque entrée de village ou chaque sommet sont légion autour du lac Mosuo. La coutume veut qu'à chaque passage près d'un lubao ou malidui, les Mossuo en fassent 3 fois le tour en ajoutant une pierre et en lançant des grains de maïs. Nous sacrifions à la coutume sous l'oeil autoritaire de la chef.
Démonstration olympique Retour en barque pour moi pendant que Cristina file en tête dans une démonstration de nages. Éclats de rire des femmes Mosuo qui sont littéralement baba. Puis nous suivons la chef, toujours, qui nous emmène déjeuner chez elle. Sur le chemin, des femmes, presque que des femmes... un seul mot de la patronne suffit à rameuter le village, me semble t-il. Alors que notre hôte nous prépare un repas, son masque de chef (excusez la redondance, mais vraiment..) tombe. Nous croisons un fantôme d'homme, qui s'éclipse aussitôt et je replonge dans mes pensées sur le royaume Mossuo...
De même que les Naxi et la plupart des ethnies tibeto-birmanes, les Mosuo descendent des anciennes tribus Qiang. Regroupés au sud du Sichuan et au nord du Yunan près de Ninglang, ils sont près de 30 000 et composent une des dernières sociétés matriarcales de la planète. La plupart vivent sur les rives du Lac Lugu, au pied de la Montagne Lion qu'ils appellent Ganmu, montagne déesse.
La chef de famille est choisie parmi les meilleures soeurs compétentes. C'est elle qui s'occupe de la propriété et des revenus de la famille. L'oncle maternel s'occupe des cérémonies religieuses, des funérailles et des enfants de... ses soeurs.
Le chapelet et le moulin à prières de la religion Mosuo Les enfants vivent tous chez leur mère qui est la chef de famille.
La femme est la principale force de travail et tous les travaux pénibles lui sont dévolus. Le chef du village est bien sûr une femme, elle seule peut avoir droit de succession.