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30 mai 2008 5 30 /05 /mai /2008 18:36
Lige-Ninglang, 88,02km, 1200m de dénivelé positif, 1400 de négatif. À mon grand désespoir, mais peut-être pour le bien de mes yeux, le mauvais temps est de retour. Pour la première fois, j'ai froid à 3200 mètres et garde polaire et blouson même en montée. Hélas, c'est une journée sans, je n'ai pas de jambes mais les paysages me ravissent même sous les nuages. Je SENS enfin cette nature que j'aime tant. La route alterne entre pavés, pierres, pavés, pierres...

3000 mètres, le col n'est plus qu'à 200 mètres, j'ai froid et je n'ai pas de jambes

Je suis secouée dans tous les sens et au kilomètre 35, nouvelle chute. Il pleut, je suis surprise par mes freins que j'ai resserrés la veille et tentant d'éviter les pierres, je n'ai pas vu les graviers... Je surfe sur le goudron sur 3 mètres qui m'en paraissent 20. Personne. Mon coeur bat à 300 à l'heure. J'ai encore tapé sur mon genou droit mais je me relève indemne ! Ouuf ! Multi est sain et sauf. Pour lui, ça semble une habitude. Je l'entends presque me dire "mais ça va pas non de freiner comme ça !! Hier on a frisé le ravin (il est un peu marseillais sur les bords...), maintenant tu as la tête où ???!! " Je remonte tremblante, la tête sur les épaules à nouveau, mais préoccupée par ma fatigue qui semble ne pas vouloir me quitter. Et cette fois-ci, ce n'est pas faute de me reposer !!

Mes gavroches Yi

Un peu plus loin, je me fais littéralement barrer le chemin par des gavroches chinois qui jouent avec une planche à roulettes fabrication maison. Ils me sautent dessus, veulent essayer Multi, m'emmènent près d'un feu me réchauffer les mains, veulent que je les suive je ne sais pas où dans la montagne. Aaaaaadieu jolis minois Yi !

Nouvelle technique de portage, mais toujours les femmes à la tâche...

Je traverse effectivement des villages Yi où les constructions des maisons en bois se réalisent encore d'une manière différente. Enfin la ville de Ninglang apparaît où le patron d'un petit resto me masse le dos et les bras vigoureusement pendant je mange un repas d'ogre préparé par sa femme et ses filles.

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29 mai 2008 4 29 /05 /mai /2008 18:13
Jeudi, je décide de prolonger mon séjour à Lige, non pas pour aller vers le Sichuan visiter des villages Yi comme je le pensais, mais pour raisonnablement (oui, oui, j'intègre le mot progressivement à coups de traumatisme de la cornée et chute de vélo) me reposer une journée de plus avant d'attaquer ma remontée sur Lijiang, qui s'annonce fabuleuse mais duuuure.

Au programme donc : bulle intégrale, mini ballade et plongeon dans le lac sous le regard amusé de 2 pécheurs au filet. Dernière douche sans fin et incroyable conversation avec Zhou Tong, un chinois qui a fait Chengdu-Ethiopie en vélo.

Je m'endors en rêvant à la description de chaque col sur la route que je ferais bientôt.

La presqu'île de Lige

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28 mai 2008 3 28 /05 /mai /2008 17:30
Levée aux aurores pour profiter pleinement des plus belles lumières, nous mettons les voiles vers 7h30, Cristina, ses lunettes Chanel et son mètre 85 sur un vélo pour nain, et moi quittant ma sacro-sainte solitude avec plaisir. En chemin, elle me raconte son travail, les différentes réunions de comités olympiques auxquelles elle assiste depuis des mois et la difficulté de travailler avec les autorités chinoises qui exercent un contrôle paranoïaque sur tout en respectant les règles de l'olympisme quand cela les arrange seulement.

Femmes Mosuo au bord du Lugu Hu

Arrivées à Dazui, un groupe de femmes Mosuo est assis au bord du lac. J'ai expliqué à Cristina que je m'arrêtais à chaque personne croisée, essayais de communiquer avec elle avec plus ou moins de réussite à chaque fois. Je descends donc de Multi et m'approche d'elles. Une très jeune femme donne à téter à son bébé pendant que son premier enfant, un garçon de 3, 4 ans joue immédiatement avec nous. Je reste 45 minutes accroupie à dialoguer comme je peux avec ces femmes, pendant que Cristina à l'écart réfléchis déjà à comment gagner l'île aux oiseaux à la nage.

Les hommes, même jeunes, semblent toujours en retrait

J'avise un jeune homme et lui demande s'il peut emmener Cristina en barque, elle reviendra à la nage. La suite est géniale : il alerte d'autres femmes qui comprennent aussitôt la demande et embarquent Cristina pendant que je reste à terre. Visiblement ce n'est pas du tout son boulot à lui et je découvre peu a peu comment ces femmes mènent la barque au propre comme au figuré ! Arrive alors une femme à la voix grave. Elle chante des sutras au milieu d'éclats de rire et porte un drapeau bouddhiste. Nos regards se croisent, son charisme est perceptible à des kilomètres et finalement je saute dans la barque avec Cristina, notre capitaine féminine et cette femme, que je nommerai la chef du village.

Drapeau boudhiste qui devra être planté dans le Lubao au sommet de l'île aux oiseaux

Au sommet de l'île, nous assistons à la cérémonie des lubao : ces piles de pierres amoncelées en forme de pyramide et plantées de drapeaux bouddhistes à chaque entrée de village ou chaque sommet sont légion autour du lac Mosuo. La coutume veut qu'à chaque passage près d'un lubao ou malidui, les Mossuo en fassent 3 fois le tour en ajoutant une pierre et en lançant des grains de maïs. Nous sacrifions à la coutume sous l'oeil autoritaire de la chef.

Démonstration olympique

Retour en barque pour moi pendant que Cristina file en tête dans une démonstration de nages. Éclats de rire des femmes Mosuo qui sont littéralement baba. Puis nous suivons la chef, toujours, qui nous emmène déjeuner chez elle. Sur le chemin, des femmes, presque que des femmes... un seul mot de la patronne suffit à rameuter le village, me semble t-il. Alors que notre hôte nous prépare un repas, son masque de chef (excusez la redondance, mais vraiment..) tombe. Nous croisons un fantôme d'homme, qui s'éclipse aussitôt et je replonge dans mes pensées sur le royaume Mossuo...

De même que les Naxi et la plupart des ethnies tibeto-birmanes, les Mosuo descendent des anciennes tribus Qiang. Regroupés au sud du Sichuan et au nord du Yunan près de Ninglang, ils sont près de 30 000 et composent une des dernières sociétés matriarcales de la planète. La plupart vivent sur les rives du Lac Lugu, au pied de la Montagne Lion qu'ils appellent Ganmu, montagne déesse.

La chef de famille est choisie parmi les meilleures soeurs compétentes. C'est elle qui s'occupe de la propriété et des revenus de la famille. L'oncle maternel s'occupe des cérémonies religieuses, des funérailles et des enfants de... ses soeurs.



Le chapelet et le moulin à prières de la religion Mosuo



Les enfants vivent tous chez leur mère qui est la chef de famille.

La femme est la principale force de travail et tous les travaux pénibles lui sont dévolus. Le chef du village est bien sûr une femme, elle seule peut avoir droit de succession.

Les hommes, quant à eux, se consacrent au commerce, à l'artisanat et aux rituels religieux. Une pièce commune leur est réservée dans la maison.

De toutes les traditions Mosuo, celle du "mariage ambulant" a fait le tour du monde. Les femmes ne se marient jamais ni ne cohabitent avec un homme, mais peuvent choisir autant d'amants qu'elles le souhaitent au cours de leur vie. Dès la puberté, les jeunes filles ont une chambre réservée dans la maison ou elles accueillent la nuit leur "azhu", celui-ci devant quitter les lieux à l'aurore pour rejoindre la maison de sa mère !

Si un enfant naît, le père peut s'installer dans la maison et apporte alors son aide financière. S'il y a rupture, aide et devoir familial s'interrompent également.

Autrefois l'identité du père était ignorée, de même qu'il n'existait pas de mot dans la langue Mosuo pour dire "père".

Un exemple de Lubao ou de Malidui à l'entrée d'un village Mosuo

Les Mosuo affirment que les notions de possession et de jalousie n'existent pas dans un mariage ambulant et que les séparations se font amicalement.

Mais les conséquences néfastes sur cette culture arrivent à grand pas : cette notion d'amour libre a accru de façon considérable la popularité de cette région reculée aux confins du Yunan et du Sichuan. Mariage ambulant étant synonyme d'aventure d'un soir pour nombre de touristes Han, des maisons de passe naissent aux portes de Luoshui.

Vous dire exactement si ces traditions perdurent telles quelles est impossible, j'ai passé 4 jours au bord du lac Lugu dont 2 à comater! Une chose est sûre, les femmes tiennent le haut du pavé. Première fois (d'autres viendront..) que je vois des femmes fumer et boire, activités(?!) hautement réservées aux hommes ailleurs...

Le seul lieu en Chine où l'on est plus heureux d'accueillir la naissance
d'une petite fille que d'un garçon !

Mais retour à notre chef de village, qui mange une soupe de farine et de maïs (je lirais plus tard que cette bouillie est réservée... à la chef du village ! Intuition, intuition, je vais devenir chef a mon tour...) pendant que nous tentons de faire passer du gras de porc frit et des pommes de terres sautées au gras de... porc ! Ensuite nous visitons la maison en bois (quatre murs autour d'une cour : au centre la pièce principale sert de salle à manger. C'est là où se trouve l'autel du dieu Feu. Ensuite viennent une étable et un bâtiment où sont entreposées la paille qui sèche et les céréales. Enfin un quatrième bâtiment dont le premier étage est réservé aux outils et le deuxième aux jeunes filles... C'est dans la pièce principale que dort la chef de famille. Autour se trouvent les chambres des autres femmes de la famille, puis les copines et tutti quanti.

Durant ces 4 heures passées à Dazui (qui porte bien son nom : grande bouche...), nous ne cesserons de nous demander avec Cristina si cette femme se joue des touristes que nous sommes... de toute évidence, elle prend plaisir à nous faire partager sa culture mais la lueur que je perçois parfois dans son regard, me fait dire qu'il y a autre chose... mais quoi ?



Partie de cache-cache avec Cristina




Le reste de l'après-midi est un vrai bonheur : nous empruntons des sentiers au milieu des pins, tombons sur 2 familles isolées au bord du lac. Cristina fait hurler les enfants de peur et de plaisir par sa taille et ses cris d'hurluberlu. Pendant que nous nous bidonnons de rire avec la maîtresse de maison. Une ex-championne olympique américaine, latino de surcroît, c'est quelque chose !

Après une soixantaine de kilomètres, nous rentrons à la tombée de la nuit, le c... en compote pour ma nouvelle amie et une chute dans le fossé pour moi.




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27 mai 2008 2 27 /05 /mai /2008 14:23
Mardi je m'oblige encore à rester tranquille loin du soleil malgré l'envie de partir à la rencontre du peuple Mosuo. Je me traîne de ma chambre au salon de l'auberge, j'assiste d'un oeil distrait au montage de la charpente d'une maison à 10 mètres de mes fenêtres. Mes appareils sont rangés au fond de mon sac. En fin d'après-midi je m'étends sur la plage à l'ombre, lac et vent pour seuls compagnons. Le temps s'arrête... ne penser a rien.



Vue de l'auberge



De retour à l'auberge de jeunesse, une agréable et belle rencontre m'attend: Cristina Teusher, ancienne championne olympique de nation pour l'équipe US reconvertie en femme d'affaires surmenée, elle a 2 jours pour se détendre au bord du lac Lugu avant de rejoindre Pékin et sa société anglaise, fournisseur officiel de cours d'anglais aux futurs juges olympiques.

Argentine de coeur et de sang, nous parlons Patagonie et alternons espagnol et anglais. J'en perds mon chinois !! Autour d'un barbecue de poisson et de légumes couleur local, je lui propose de m'accompagner en vélo le lendemain dans les villages voisins.

Lige ressemble à un village pour amoureux qui ont envie de buller, l'endroit idéal pour se reposer, c'est calme, paisible mais au bout d'une heure on en a fait le tour... Mes yeux allant vers le mieux, je trépigne devant l'idée de percevoir un semblant de ce royaume des femmes. Pour cela, toujours s'écarter des sentiers battus. Sera-ce possible en si, si, siiii peu de temps ?

La plage de Lige à 30 mètres de l'auberge, interdite à la baignade

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26 mai 2008 1 26 /05 /mai /2008 13:53
Lijiang - Lugu Hu Lige. 13,54km sur Multi. 7h du matin, je quitte Lijiang en bus sous un soleil radieux, direction le Royaume des femmes ! Multi croule dans les soutes, sous 30 valises. Le chauffeur restera sourd à mes supplications... 7h de route dans un paysage fabuleux, mais le voyage est un vrai supplice pour 3 raisons :

- Je suis enfermée et ne sens RIEEEN dans un bus sinon la puanteur qui lentement se dégage des 40 personnes qui font route avec moi et ne se sont pas lavées depuis la nuit des temps !

- Après l'odeur, viennent les bruits odoriférants... Rots, crachats, pets en tout genre. Sans oublier les cartilages (!) de crevettes que je reçois dans l'oreille. Mes yeux, en feu, se font lance flamme sans peine. Je résiste non sans mal à l'envie de cracher à mon tour sur mon voisin !

- Enfin, j'ai une migraine à tout casser. Chaque pavé, chaque trou, chaque pierre résonne dans ma tête à tel point que je pourrais les compter.

J'arrive malgré tout à noter les bornes kilométriques aperçues et les dénivelés pour mon itinéraire retour. Je remarque aussi que seuls des hameaux de 10 à 15 maisons sont accrochés sur les pentes pendant plus de 120 kilomètres... Et j'ai laissé ma tente à Lijiang !

Proche de commettre un crime, je descends à Luoshui et retrouve mon cher Multi, sans une égratignure ! 10 kilomètres nous séparent de Lige, petit village Mosuo où je DOIS me reposer. Combien de temps je mettrais pour y arriver je ne sais pas... Avec le recul, je me dis que j'étais proche de l'évanouissement et que Multi a fait la route seul. Je n'étais plus qu'un pantin désarticulé. À la première auberge, je demande un grand lit, une salle de bain personnelle (luxe de chez luxe dans mon voyage) et m'enferme dans le noir le reste de la journée, soirée, peut-être la matinée suivante... j'oublie.

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